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Le livre de la semaine : Impardonnable de Mathieu Ménégaux (Grasset)

Le livre de la semaine : Impardonnable de Mathieu Ménégaux (Grasset)

Un article rédigé par Christophe Mory - RCF, le 27 février 2025 - Modifié le 27 février 2025
L'Actualité littéraireLe livre de la semaine : Impardonnable de Mathieu Ménégaux (Grasset)

LE LIVRE DE LA SEMAINE - 77 800 personnes sont incarcérées en France. Notre système judiciaire compte 10 000 magistrats, 30 000 surveillants de prison, 4 000 conseillers d’insertion et de probation. Et tout le monde s’accorde à dire que notre justice ne fonctionne pas, que les tribunaux sont engorgés, et que faire ? Avec ce nouveau roman, Mathieu Ménégaux, pose la question de la Justice à travers un fait divers auquel nous pourrions nous être confrontés.

 

Impardonnable © GrassetImpardonnable © Grasset

77 800 personnes sont incarcérées en France. Notre système judiciaire compte 10 000 magistrats, 30 000 surveillants de prison, 4 000 conseillers d’insertion et de probation. Et tout le monde s’accorde à dire que notre justice ne fonctionne pas, que les tribunaux sont engorgés, et que faire ? Avec ce nouveau roman, Mathieu Ménégaux, pose la question de la Justice à travers un fait divers auquel nous pourrions nous être confrontés.

 

Anna est séparée du père de ses enfants, Antoine. Ce soir-là, elle a la garde de ses enfants Adrien et Julie. Julie sort, elle emprunte le vélo pour une fête pas loin, à moins de dix kilomètres. Elle n’a pas de phare, pas de casque et se fait faucher, au retour, par un chauffard qui ne s’arrête pas. Délit de fuite. Et qui le lendemain vient se dénoncer à la gendarmerie. Il dira qu’il a paniqué. Mais n’est-il pas rentré chez lui pour que la nuit retire toute trace d’alcool ? Anna est-elle une mauvaise mère pour ne s’être pas opposée à la sortie de Julie, fatale sortie ? La procédure est longue : autopsie, deux ans avant le procès, deux années pendant lesquelles le chauffard est en liberté ? De quoi rager, on la comprend. Et le texte de Mathieu Ménégaux nous pousse à l’empathie.

 

On est en empathie aussi pour le chauffard, car c’est quelqu’un de bien : un cadre supérieur, diplômé d’HEC, marié, trois enfants, douze points sur son permis, le gars tout comme il faut et qui, au sortir d’un dîner entre amis, n’a pas vu la gamine qui roulait au milieu de la route juste derrière le tournant. On est en empathie parce que ce monsieur au parcours parfait, si je puis m’exprimer ainsi, est jugé. Il en prend pour sept années de prison avec effet immédiat et se fait menotter dans le box des accusés. Un regard sur l’assistance : sa femme n’est pas là, elle a déjà demandé le divorce… Et nous assistons, défaits, à l’enfer d’Anna dans le deuil de sa fille et de sa culpabilisation à la descente aux enfers de cet homme dans sa culpabilité.

La Justice ne peut-elle pas réparer ?

Les hommes ne sont pas des monstres. Ce sont des hommes qui ont commis des actes monstrueux. «Et c’est très différent », insiste l’auteur. L’avocat d’Anna insiste : « il y aura un verdict. Mais ce verdict ne vous semblera jamais suffisant ». Évidemment que la Justice ne rendra pas Julie à la vie et ne fera jamais, quoi qu’on dise, le travail du deuil. La force du roman de Mathieu Ménégaux est de nous emporter dans les méandres de la Justice : avocats, stratégies de défense, procédures, fouilles, machine administrative froide comme un serpent, si éloignée de l’humain qui exige réparation voire vengeance et pardon voire rédemption. La Justice est-elle décevante ? Elle est contondante dans les deux cas : celui de la victime, celui du délinquant. Je cite l’auteur : « Le laxisme règne, sous couvert d’arguments fallacieux : les prisons sont pleines, on a déjà du mal à incarcérer les auteurs de violences volontaires, et il semble évident qu’une peine de prison ne va pas vous permettre d’améliorer vos qualités de conducteurs, de rendre le verglas moins glissant ou le soleil moins éblouissant ». La société ne serait-elle pas laxiste pour les accidents de la route pour maintenir le sacro-saint de l’industrie automobile ? La question se pose…

Deux poids deux mesures ?

Vous mettez le doigt, Etienne, sur une des réussites de ce roman. Car le lecteur s’étonne parfois : tantôt on parle d’une victime, une jeune fille ; tantôt d’un jeune garçon : la première à vélo, le second en scooter. De quelle affaire s’agit-il ? Tantôt on parle d’une avocate de la défense, tantôt d’un avocat… N’y aurait-il pas deux affaires ? Un premier chauffard condamné à sept années de réclusion, le deuxième à un an sous bracelet électronique ? Alors : où est la justice et quelle est-elle ? Au-delà d’un ou deux faits divers, Impardonnable, ce roman serait une accusation de la Justice ? Je vous donnais les chiffres qui en montrent la faillite. Savez-vous que Robert Badinter avait deux sujets : l’abolition de la peine de mort (c’est fait) et la place donnée à la victime dans notre système pénal. Au lieu de développer une victimisation permanente jusqu’à ériger la victime en héros, il avait l’idée de faire dialoguer les justiciables et des victimes pour trouver les mots de compréhension voire de pardon. ET c’est ce à quoi nous allons assister ici. De sorte que le condamné arrive à ce constat : « Je ne peux plus rien à ce que j’ai fait, mais tout me paraît possible à l’avenir ».

Le roman d'une rédemption 

On ne lâche pas ce roman, pris par l’empathie autant pour la victime que pour son auteur. Une rédemption, bien sûr, mais surtout une réflexion sur la Justice, notre système judicaire, et l’envie d’y inscrire de l’humanité : une humanité tragique qui ne se libère que dans le pardon. A lire d’urgence.

Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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