Le film de la semaine : A bicyclette !

Le réalisateur, Mathias Mlekuz, nous emmène sur les traces de son propre fils, Youri, disparu tragiquement il y a 2 ans et qui avait parcouru à vélo, quelques temps avant, la route entre La Rochelle et Istanbul. Mathias ressent alors le besoin de partir sur ses pas, avec le journal de bord de Youri comme « bible » pour ce pèlerinage aux contours assez flous. Est-ce pour renouer avec son fils ? lui rendre hommage ? surmonter le drame de sa mort ? C’est un projet un peu fou de la part d’un homme ni sportif ni aventurier. Et il embarque avec lui dans l’aventure son vieil ami, l’acteur Philippe Rebbot, et son chien Lucky.

Un film simple et sincère

Les personnages sont attachants. On les voit partir tous les deux, sur leur vélo, avec leurs sacoches et leurs chapeaux, à la recherche de lieux photographiés par Youri, de personnes rencontrées, des paysages traversés. Ils remettent en scène certaines images, enfilent les habits de clown de Youri (c’était son métier : il était clown et musicien) et font ce qu’ils savent faire : ils tournent le film de leur incroyable équipée.

Le résultat est un petit bijou d’émotions, de légèreté, d’humour. Une chronique sur l’amitié et le deuil, où les deux amis se confient sans fard. Ils expriment leur douleur, leur tristesse, mais aussi leur foi et leurs espoirs. C’est pour Mathias une quête spirituelle, et pour Philippe la découverte qu’il sait être un ami.

Le film n’est ni un documentaire ni une pure fiction. On pourrait parler de docu-fiction mais le dispositif est plus ambitieux que cela. Rien n’a été écrit à l’avance, pas de script ni de repérages. La caméra suit les deux hommes dans leur périple, capte les larmes et les paroles quand elles surgissent, des propos souvent graves et profonds sur le sens de la vie et de la mort. Dans les situations plus drôles ou plus tendues, c’est l’improvisation qui prend le relais. Leur talent d’acteurs n’est alors jamais loin mais toujours avec le souci de rester vrai et authentique.

180 heures de rush pour 1h30 de film

Le montage est parfait, c’est un habile mélange de scènes graves, émouvantes ou cocasses. La plus drôle est la seule séquence qui a été reconstituée à partir d’un souvenir de Youri et jouée par une amie comédienne. Elle se passe en Autriche, une hôtesse airbnb très à cheval sur les règles de propreté de son appartement utilise la version vocale de Google Traduction pour les explications. Le résultat est assez délirant, et désopilant. Avant tout, c’est un film profondément humain et qui donne envie de vivre. Mathias Mlekuz offre une réponse lumineuse et pleine de joie aux questions sans fond que pose le geste inexplicable de Youri. Les deux amis terminent leur voyage en déclarant « si on a le choix de faire le choix, soyons joyeux ».