Répondre à un légitime besoin de sécurité, est-ce donner dans la surenchère ?Depuis des années, mais plus encore ces derniers mois, des contre-vérités se sont imposées dans le débat public.
L’essor des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu favorise de fait une information caricaturale et l’amplification de discours réactionnaires. Ceci se vérifie, par exemple à l’audience des médias du milliardaire Vincent Bolloré : Cnews, C8, Europe1 ou le JDD.
Désormais, la communication ne repose plus sur des arguments chiffrés et vérifiés, mais sur l’expression des affects et des ressentis. Ceci a notamment pour effet d’entraîner une diffusion plus forte des faits divers, dont on sait qu’ils intéressent et suscitent l’émotion.
C’est ainsi que s’est imposée la conviction que l’immigration et l’insécurité menacent les fondements même de la nation française.
Mais ce qui aujourd’hui est grave est que, loin de rétablir la réalité des faits, nos gouvernants, eux-mêmes, en viennent à relayer des postures, qui étaient jusqu’ici l’apanage de l’extrême droite identitaire. Je prends deux exemples sur ces sujets.
Sur la question de l’immigration d’abord, les discours de vérité sont devenus inaudibles. On le voit dans les propos du ministre de l’intérieur sur les « français de papiers » ou « la régression ethnique » ou même dans ceux du premier ministre parlant de « submersion migratoire », alors même que la France accueille beaucoup moins d’exilés que ne le font bien d’autres pays européens.
De la même façon, en médiatisant à outrance des faits divers criminels impliquant des étrangers ayant l’obligation de quitter la France, on veut faire croire que tous les étrangers sous OQTF sont des terroristes, des assassins ou au mieux des délinquants, alors que 99 % d’entre eux, ayant vécu le traumatisme de l’exil, ne demandent qu’à s’intégrer en France et y construire par leur travail leurs projets de vie.
Autre exemple, ayant trait cette fois à la sécurité, puisque notre ministre de la justice vient d’interdire que soient proposées en prison des activités supposées ludiques, alors que, suite à un appel à projets de l’administration pénitentiaire, il s’agissait d’accompagner des personnes détenues sur le chemin de leur réinsertion, car là est, pour la société, le véritable enjeu.
A médiatiser sans nuances de prétendues activités ludiques en prison, on en vient à oublier que la mission principale de la détention est bien de prévenir la récidive. Mais comment ressortiront celles et ceux que l’on oublie derrière les murs des prisons quand ils accumulent au quotidien une violence inouïe du fait de conditions de détention indignes ?
Valéry Giscard d’Estaing disait en son temps que la détention n’est que « la privation de la liberté d’aller et de venir et rien d’autre ». Nous en sommes loin et l’on ne peut imaginer que les personnes détenues sortiront différentes si on ne cesse de les maintenir dans des conditions qui étaient justement celles qui les ont conduites en prison.
Dans ce climat difficile sur ces questions d’immigration ou de sécurité, on aurait pu espérer que nos politiques contribuent à informer l’opinion plutôt que de la suivre. Mais l’on voit bien,hélas, qu’au lieu de poser les conditions d’un débat éclairé, on ne fait qu’engager de mauvais procès, mettant à mal la société toute entière.