20 février 2023
Charles Delhez : Ouvrir les yeux sur l'Invisible
Charles Delhez, jésuite, sociologue et journaliste nous invite à être moins Saint-Thomas (“je ne crois que ce que je vois”) et davantage le renard du Petit Prince de Saint-Exupéry (“L’essentiel est invisible pour les yeux”)
N’assisterions-nous pas aujourd’hui à la fin de cette tyrannie de la raison pure et froide ?
Dans son Vivre avec l’invisible, 1 Marie de Hennezel y travaille. Elle nous invite à renoncer à l’idée que nous pouvons tout voir, tout maîtriser, tout contrôler. Nous pouvons en effet vivre avec cet invisible au fond de nous, au-delà de nous, et tisser des liens avec lui. Pour cela, estime-t-elle, la foi religieuse n’est pas nécessaire. Il s’agit d’un sentiment naturel.
”Nous avons à l’intérieur de nous un espace dans lequel les frontières de la raison ne jouent pas 2 ”, déclarait récemment à La Libre Belgique celle qui fut la confidente de François
Mitterrand. Hélas, notre culture hyper-scientifique a établi une frontière étanche. Or, elle est poreuse. Un homme comme le psychiatre Jung l’avait bien compris. “C’est une illusion commune de croire que ce que nous connaissons aujourd’hui représente tout ce que nous
pourrons jamais connaître.” Il n’hésitait pas à parler de l’âme, s’opposant ainsi à la vision matérialiste de son ancien maître Freud qui, lui, considérait la psychanalyse comme relevant de la matière seule 3 .
Cet invisible peut prendre la parole ! Certains se disent guidés par une voix intérieure qui vient de la partie très profonde d’eux-mêmes et leur veut du bien. Il peut aussi se manifester par de mystérieuses coïncidences apparemment dues au hasard. Jung parlait de synchronicité pour désigner cette occurrence simultanée d’au moins deux événements sans
lien de causalité, mais dont l’association fait sens pour la personne concernée.
Il y a encore ces troublantes prémonitions. Par la voie royale de nos rêves, si présents dans la Bible, il peut en effet nous arriver d’être prévenus d’un danger ou d’un événement
important. Einstein décrivait la nature mystérieuse du temps sous forme d’un continuum où passé, présent et futur coexistent de façon simultanée.
Les expériences de mort imminente peuvent aussi trouver place dans ce tour d’horizon, même si ce n’était pas vraiment la mort, mais seulement son approche. “Puisque c’est un mystère, rien nous interdit de nous abandonner avec confiance” ont déclaré de nombreuses
personnes à notre auteure. Celle-ci se dit aidée par “sa bande d’invisibles”. Leur âme est comme tissée au fil de nos vies. Et de commenter : il n’y a rien de plus naturel ! Il faut parler des morts et les faire vivre parmi nous, via le souvenir, via la trace qu’ils ont laissée dans nos cœurs. Je le cite encore : “Presque tous, nous avons une relation personnelle avec un être
cher disparu, donc invisible à nos yeux.”
J’ai un ami aveugle. Il ne voit même pas le noir, car il n’a pas d’yeux. Ils ont été brûlés lors de sa naissance. Il sait cependant que ce qu’il ne voit pas existe. Il fait confiance à ceux qui ont des yeux. Certains ont le regard intérieur plus aiguisé, ainsi les mystiques ou les bénéficiaires d’apparitions quand le ciel s’ouvre, comme à Lourdes, par exemple. Ne
pouvons-nous pas leur faire confiance, sans bien sûr renoncer à notre esprit sainement critique ? Il y a tant de choses que nous n’avons pas découvertes par nous-mêmes, mais que d’autres nous ont apprises. Avançons ensemble !
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