Magazine littéraire en lien avec l'association de promotion de la lecture "Lire à Saint-Étienne".
Comédienne et écrivaine, Françoise Henry a reçu de nombreux Prix littéraires dont le Prix Cino del Duca et le Prix Charles Exbrayat. « N’oubliez-pas Marcelle » est son douzième roman. Nous l'avons reçu à l'occasion de la Fête du livre de Saint-Etienne, sous le chapiteau RCF - Lire à Saint-Etienne pour 40' pleine d'émotions et de profondeur.
Chronique de Jacques Plaine pour " Lire à Saint-Etienne " et le journal L'Essor.
C’était un autre temps. Un temps où les jeunes comme les vieux chantaient « le travail c’est la santé ». Un temps où les petites filles jouaient à la poupée et les petits garçons au ballon. C’était en 1922. Marcelle venait de naître. Grâce ou à cause de la guerre, en effet en 14 le fiancé de sa mère était mort à Verdun et celui qui allait devenir son père s’était trouvé là pour la consoler. Une vie étirée sur un siècle. Une vie minuscule achevée dans un EPHAD en 2018. Sans tambour ni trompette mais sereinement, par une « bonne petite main » toujours au four et au moulin, droite dans ses petites bottes, heureuse que Dieu existât… « même rangé dans le tiroir d’à côté ». Une vie banale qui aurait pu en être une autre – toute à l’envers - si le fils Andersen n’avait pas été le fils de son père. Et si sa mère à elle ne lui avait pas lancé définitive « c’est pas possible. » Ce jour-là, sans grands mots, sans esclandre ni portes qui claquent, elle avait mis ses rêves au placard. Ses rêves de robe blanche, de « ménagère » en argent, d’initiales entrelacées sur de jolis draps brodés, de services de verres et d’assiettes et tout et tout et tout.
Et elle avait tracé son chemin, sans éclat, sans écart, ni sortie de route. Pendant l’occupation tout d’abord - et alors que sa famille avait été contrainte d’héberger un officier allemand - elle avait su ignorer les sourires enjôleurs de ce lieutenant de la Wehrmacht. Plus tard aussi elle avait dit non à un gentil garçon qui avait passé la journée à lui montrer la campagne du bout de son pébroc expliquant à ses parents qu’elle n’épouserait pas un homme « qui désignait tout ce dont il parlait de la pointe de son parapluie.» Puis plus tard, bien plus tard, elle ne s’était pas laissée magnétiser par un hypnotiseur, roi du pendule et du spiritisme. Sur ses vieux jours enfin elle avait su tenir ses distances avec le nouveau prêtre de la paroisse, bel homme mais « pas trop confit en eau bénite » le bougre. Une vie à faire un roman ? « La vie d’un simple » au féminin sans doute.
Alain Blanc & Isabelle Anselme-Bertrand
" Aventure en microscopie " (Presses Universitaires de Saint-Étienne)
Dans le monde qui nous entoure, nous sommes en permanence confrontés à la notion d'échelle et souvent désorientés par les valeurs extrêmes. Cela vaut pour les distances dans l'univers et aussi pour l'organisation microscopique des êtres vivants et des objets de notre environnement.
Loupes et microscopes sont indispensables pour accéder à ce monde et les microscopes électroniques apportent beaucoup d'informations sur la structure fine de la matière.
Ce parcours microscopique se déroule à travers l'aventure vécue sous forme de bande dessinée par deux adolescents qui téléchargent une application sur leur smartphone et découvrent qu'en photographiant un objet ils en obtiennent une image agrandie.
La chronique de Jacques Plaine
ISABELLE ANSELME-BERTRAND & ALAIN BLANC Aventure en microscopie Presses Universitaires de Saint-Étienne À l’occasion de la Fête de la Science, « Voyage microscopique » avec Isabelle Anselme-Bertrand, biologiste, ingénieur en microscopie et Alain Blanc, Maître de Conférence émérite. Avec qui, dans la joie et la bonne humeur, aller à la pèche « au petit » et à la chasse à « l’infiniment petit » ? Avec Luna et Arsène bien sûr ! Luna et Arsène deux personnages de BD dessinés par Edgar Anselme et héros de cette aventure. Mais si Tintin avait choisi une fusée pour aller sur la lune, eux se contentent d’un smartphone pour descendre dans l’infiniment petit. Click ! (sans clack) et les voilà plongés dans les profondeurs de la planète pour donner des images à couper le souffle. Des agrandissements de l’ordre de 2 000 fois avec le microscope photonique et de l’ordre de dizaines de millions de fois avec des microscopes à Transmission. Des monstres presque aussi gros que la fusée de Tintin (là j’exagère un peu !). Et pour se faire une idée de l’ampleur des agrandissements obtenus (« appréhender la notion d’échelle » diraient les puristes), c’est un cheveu qu’ils utilisent comme étalon. Un cheveu non pas coupé en quatre mais simplement tranché dans le sens de l’épaisseur. Et c’est de double page en double page que Luna et Arsène vont se promener dans « l’infiniment petit » en commençant par ce cheveu étalon. Un cheveu qui apparaît gros comme un bras et qui ressemble plus à une queue de lézard qu’à un mât de cocagne patiné par l’usage. Puis ils ouvrent le bal des grossissements insolites. Des petites bêtes qu’on appelle ici artisons mais acariens dans le petit Larousse et qui apparaissent sur une croûte de fourme de Montbrison gros comme des poulets de Bresse, des moustiques à la trompe éléphantesque, une coquille d’œuf jouant les falaises d’Étretat ou ces grains de pollen - devenus grâce à ces microscopes surpuissants - roues libres Campagnolo. Et puis en passant de l’abeille qui trempe sa langue comme un pinceau dans les fleurs du jardin, aux femelles de pucerons se reproduisant par parthénogenèse voilà une information qui déménage : il paraîtrait que le cannibalisme de l’accouplement de la mante religieuse « serait loin d’être systématique. » Merci Luna et Arsène de cette bonne nouvelle.
Marie De Lattre
" La Promesse " (Robert Laffont)
1942, Jacques a 8 ans. Ses parents sont des artistes juifs émigrés d'Europe de l'Est.
Lorsqu'ils sont arrêtés, avant d'être exterminés en Pologne, le père de Jacques écrit à une jeune femme pour la supplier de ne pas oublier l'enfant, et sa mère formule la même prière à un de leurs amis. Cette femme et cet homme, qui ne se connaissaient pas, sauveront Jacques. Mais au nom de quels liens ? Quels chemins prendront leurs vies lorsque la guerre sera finie ?
Une émission enregistrée en public à la mairie de Rochetaillée, lectures assurées par Muriel COADOU (compagnie Collectif 7), réalisation technique Marc Hivert.
La chronique de Jacques Plaine
MARIE DE LATTRE La Promesse (éditions Robert Laffont=.
Marie De Lattre est directrice artistique dans le groupe éditorial Editis. « La Promesse » est l’un des trois finalistes du prix Exbrayat 2023. Quand elle eut treize ans son père invita Marie au restaurant. « Chez Napoli » rue Saint-Placide. « Tu sais que Pierre et Madeleine ne sont pas mes vrais parents ? Qu’ils m’ont adopté ? Mes vrais parents sont morts pendant la guerre. Ils étaient juifs. Ils ont été déportés et ont été assassinés à Auschwitz ». Et d’ajouter « tu ne dois le dire à personne ». Quelques semaines plus tôt, son frère jumeau avait reçu la même confidence frappée du même interdit et tous deux avaient gardé le silence. Médecin, mutique sur son passé, soucieux d’oublier ses origines mais bon père de famille, son père avait un goût plus que prononcé pour le secret. Son appartement regorgeait de cachettes, trappe à l’intérieur de chaque placard, livre en trompe-l’œil, planche à pain à double fond. Autant de lieux interdits qu’elle visitera après sa mort pour y découvrir de troublants vestiges du passé. Et lorsque sa mère lui remettra une grande enveloppe en kraft à n’ouvrir qu’après le décès de son mari, Marie saura qu’elle a en main l’histoire que son père s’était juré de garder dans l’ombre. L’histoire de ses quatre grands-parents paternels. Les deux qui avaient conçu son père et les deux qui le prendront en charge dès ses huit ans, qui l’adopteront et feront de lui un grand professeur de médecine. Un père « à l’œil bleu malicieux » et « aux conversations silencieuses », Jacques de Lattre. Et même si les tableaux de Kogan le père biologique de Jacques n’ont jamais quitté les murs de leur maison, Marie découvrira comment son vrai grand-père arrivé d’Ukraine devint - à Montparnasse et dans les années 20 - un des peintres de l’école de Paris, puis comment avec sa femme Frieda ils feront un voyage sans retour à Auschwitz, puis seront reconnus Justes parmi les nations. Une histoire que Marie nous livre aujourd’hui mais qu’elle a mis vingt ans à écrire. Une histoire chargée d’un encombrant secret – de ceux qu’on murmure « secrets de famille » - et que sa vie durant son père a porté comme une croix en s’efforçant d’en ignorer les contours.
Marie Kock
" Vieille fille " (La Découverte)
On la dit laide, revêche, frigide, avare, aigrie. On l'imagine avec ses chats. ses pelotes de laine et sa solitude.
La vieille fille a-t-elle un destin aussi peu enviable ? Et si elle était plutôt celle qui échappe aux carcans et aux alliances impossibles à défaire ?
Journaliste, Marie Kock mêle récit personnel et études sociologiques, et formule l'hypothèse qu'il est possible d'inventer d'autres manières de vivre, de trouver l'amour ailleurs, autrement.
La chronique de Jacques Plaine
MARIE KOCK Vieille fille La Découverte Marie Kock est journaliste diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille. Elle est aussi l’auteure de Yoga, paru en 2019. Pour monsieur Tout-le-monde, sa femme et sa concierge, une « vieille fille » c’est la Cousine Bette, Marie Poppins ou la Marceline du « Mariage de Figaro ». Une fille trop moche pour trouver un mari, trop éprise de liberté pour passer sa vie avec le même bonhomme, trop indépendante pour accepter un mariage arrangé - et le contrat qui va avec - au seul bénéfice des ambitions mercantiles de papa. La quatrième de couverture en rajoute une couche : « On la dit laide, revêche, frigide, avare, aigrie, ennuyeuse et ennuyée. On l’imagine avec ses chats, ses pelotes de laine et sa solitude, parce qu’elle n’a pas eu la chance de trouver un mari ou de faire des enfants…» ou dit autrement : « c’est celle qui n’a pas réussi à décrocher la timbale ». La Rome antique avait ses vestales, le Moyen Age ses recluses, ce furent ensuite les Béguines, les nonnes, les sœurs, les bonnes sœurs et dans les montagnes de par ici, les Béates. Des vies pas comme les autres. À Rome les vestales étaient couvertes d’honneur, conduites en carrosse à deux roues et en prenaient pour trente ans, au Moyen Age les recluses s’emmuraient vivantes pour se couper du monde et des hommes, aujourd’hui les bonnes sœurs se donnent toute à Dieu et bonjour les galipettes. Et Marie Kock ? « Quand j’étais petite fille je ne me rappelle pas avoir un jour envisagé de finir vieille fille ». Après avoir « sauté dans l’amour à pieds joints, comme s’il s’agissait d’un simple tour de manège », après plus de trente ans - dont dix-sept à Paris - au cœur de la vie, Marie Kock décide de tourner la page, de découvrir une nouvelle façon d’appréhender l’existence, le quotidien, le désir. Ses projets vont être bien différents, elle affrontera l’avenir autrement, sans béquille ni parachute. Seule sur un chemin qu’elle s’est tracé sans mollir. Pourquoi me direz-vous ? Le chapitre « Ce que j’ai oublié de vous dire » est là pour l’expliquer. C’était il y a vingt-cinq ans. Un jour, une nuit d’orage et c’est tout. Une tornade qui a fait d’elle une autre. Une autre Marie Kock.
Rania Berrada
" Najat ou la survie " (Belfond)
Najat se l'est promis. elle ne deviendra ni institutrice ni mère au foyer. Elle quittera Oujda et réalisera son rêve : atteindre le kharij, l'Europe.
Le sésame doit venir d'un cousin qui a émigré et qu'elle pourrait épouser avec l'accord du père. Mais chaque fois que Najat approche du but, quelque chose se grippe.
La faute à ce pays sclérosé par le chômage et la corruption. Najat est une femme empêchée qui ne renonce jamais.
La chronique de Jacques Plaine
RANIA BERRADA Najat ou la survie Belfond Franco-marocaine née à Rabat, Rania Berrada vit à Paris où elle est journaliste. « Najat ou la survie » son premier roman, est un des trois finalistes du prix Charles Exbrayat 2023. Najat qui vient de terminer sa troisième année de licence à la fac d’Oujda - Oujda la ville aux quatre cents minarets – a la tête pleine de projets et d’ambitions. D’abord quitter cette ville où « la moitié des femmes sont institutrices et l’autre moitié au foyer », ensuite terminer sa licence et échapper à Ryad. Ryad ce grand frère rigide comme un pilier de temple grec et qui se prend pour le lieutenant du père. Une grande gueule autoritaire qui la voit déjà arrêter se études et se mettre au boulot. Ou bien – ce qui serait encore mieux - dégager le plancher et se trouver un mari. Pour l’amour Najat n’est pas pressée, le prince charmant c’est pas son truc, par contre trouver un mari qui la sortirait des pattes de Ryad, pourquoi pas. Un mari qui lui ferait – il fait bien rêver un peu - traverser la Méditerranée et la mettrait au cœur de ses ambitions universitaires en France, en Allemagne et pourquoi pas ailleurs …mais de ce côté-ci de la Grande Bleue. Certains ont la chance, le pot, le bol. Pour eux les planètes s’alignent comme par enchantement. D’autres ont la poisse, la scoumoune, le mauvais œil – « ont au-dessus de leur tête une étoile malveillante dont les radiations leur pourrissent l’existence ». C’est dans ce triste collège que se débat Najat. Depuis toujours. Elle apprend l’allemand pour poursuivre ses études à Francfort avec Younes, achète un vieux Bescherelle et se perfectionne dans la langue des colonisateurs pour monter à Paris avec Yahya, participe au Printemps Arabe pour plaire à Mehdi, joue les belles-mères sympas pour contenter Yahya (encore lui), regrette d’avoir jadis méprisé Hicham et attend toujours qu’Allah lui offre enfin la part de bonheur qu’il dispense si généreusement aux autres. Un beau livre qui nous fait découvrir une grande famille marocaine où la tradition - et Allah - dictent à tous et à chacun le quotidien à suivre. Un livre qui nous plonge aussi dans l’obscure complexité de l’administration française.
Sylvie Baron
" Les petits meurtres du mardi " (Calmann-Lévy))
Odile Lavergne, dynamique médiathécaire a créé le Club du mardi, qui réunit des fanatiques d'Agatha Christie animés d'un enthousiasme qu'ils brûlent de partager.
C'est ainsi que naît l'idée d'un colloque international consacrée à l'écrivaine. Archibald de La Rochette met son château à disposition et une poignée d'experts accepte l'invitation. Mais certains intervenants ne sont pas ceux que l'on croyait. Au soir du premier cycle de conférences, un crime abominable est découvert. Qui a pris la Reine du crime au mot ?
La chronique de Jacques Plaine
SYLVIE BARON Les petits meurtres du mardi Calmann Lévy Sylvie Baron admiratrice « des grandes dames du crime », d’Agatha Christie à Patricia Wentworth est avec « Les petits meurtres du mardi » une des trois finalistes du prix Charles Exbrayat 2023. À Marcolès, un village du Cantal, quelques fadings d’Agatha Christie se réunissent tous les mardis à 20 heures précises. Au « Club du mardi » en référence à la célèbre nouvelle de la romancière. Et pour quoi faire ? Pour parler d’elle bien entendu, d’Hercule Poirot, de Miss Marple, voire des « Dix petits nègres » qui comme chacun sait ont disparu dans les brumes du lac Victoria ou quelque part en Casamance. La chef c’est la bibliothécaire du village. Une fille « au cœur gros comme un mammouth » - devenue « médiathécaire » au nom de la modernité - et autour de laquelle se presse une belle brochette de fanatiques de la « Reine du crime ». Il y a un vieux prof qui se prend pour un chercheur et qui vit avec sa mère, le pharmacien qui a des problèmes d’hormones, la femme du plombier, le châtelain du village, une ancienne pute, la doyenne en fauteuil épicière en retraite, enfin un lycéen de dix-sept ans. Et c’est justement ce jeunot qui va avoir l’idée du siècle. L’idée qui décoiffe : « Et si on organisait un colloque ! » Les uns applaudissent, d’autres se récrient, d’autres enfin demandent à réfléchir. On réfléchit donc, on discute et c’est parti, ce sera un colloque de deux jours. Un colloque où le château accueillera les débats, le dîner de gala et l’hébergement de ceux venus d’ailleurs. Plus amateur que l’équipe organisatrice, tu meurs ! Sauf que grâce à internet et aux réseaux sociaux quatre spécialistes des « polars de la Duchesse de la mort » vont débarquer à Marcolès, que le public sera au rendez-vous et que les planètes risquent de s’aligner pour un week-end d’anthologie. Sauf qu’au dîner du samedi soir, la conférencière vedette tombera raide morte dans les bras du prof qui se prend pour un chercheur et que la femme du plombier sera découverte les pattes en l’air - ou plutôt à plat ventre - au fin fond d’un placard. Le procureur jubile. Normal ! C’est un accro de la mère Agatha.
Roland Boudarel
" Place Médard " (La Découverte)
Juillet 1890. Épouse charmante et respectable, Gwenn aurait dû naître, grandir et mourir dans son village du Finistère. Mais lorsque son chemin croise celui d'un artiste, son existence chavire.
Alors qu'elle vend son lait sur la place Médard, cet homme croque son portrait. Pour cet affront, son mari la marque au fer rouge.
Pendant plus d'un siècle, de Quimper à Paris, Florence ou Sétif, ses descendantes porteront cet héritage tragique dont elles ignorent tout.
Les chroniques de Jacques Plaine
ROLAND BOUDAREL Place Médard Librinova Né à Saint-Étienne, Roland Boudarel a fait ses études à Valbenoîte, Tezenas-du-Montcel puis à l’université Jean Monnet où il a soutenu un DEA consacré à la femme du XXème siècle à travers l’œuvre des frères Goncourt. En pays bigouden, mariée sans amour, Gwenn n’en menait pas moins une vie heureuse avec ses vaches. Et pourtant ! Le crabe avait emporté sa mère quand elle avait cinq ans et son père avait disparu avant même sa naissance laissant en héritage une sanguine rapportée de Florence. Chaque semaine – poussant ou tirant un lourd char à bras – elle allait vendre son lait, place Médard à Quimper. Et un jour, un jour à marquer d’une croix plutôt noire que blanche, un peintre - avec chevalet, boite à pinceaux et à peintures - passa par là. Séduit par sa beauté, il décida de faire son portrait « à l’huile comme les plus grands maîtres hollandais ». Une audace pire qu’un viol en cette fin de XIXème siècle. « Ta tête est déshonorée pour la nuit des temps » hurlera le mari - quand le plus malveillant des malveillants l’informera de la chose - avant de la marquer au fer rouge. Sur un sein, un seul « pour que si un jour je te mets grosse, tu puisses offrir la mamelle restante à téter ». C’était en juillet 1890, une hache traînait par là et elle en fit usage. Ensuite ce sera la honte, la prison, le procès, les assises, le bagne, la Nouvelle Calédonie. Une sale histoire, une triste affaire à oublier et à faire oublier. Même Ronan n’en saura rien. Ronan son fils né pendant le procès et élevé comme un orphelin dans un couvent de bonnes sœurs. Des cornettes qui – le jour où il prendra son envol - glisseront la fameuse sanguine dans son baluchon. Ensuite, de génération en génération, de fille en fille, de descendante en descendante, chacune aura son histoire. Des aventures que chacune racontera à sa façon et à la première personne. De bonnes ou mauvaises fortunes, sans passé, ni ancêtres, enrubannées d’un arbre généalogique sans branches ni racines. On en retrouvera en Toscane et en Algérie d’hier et d’aujourd’hui. On en rencontrera d’autres à Montparnasse, au lac Annecy, à Lyon et à Saint-Étienne puis le hasard ramènera la dernière à Quimper. À Quimper, où au musée de la ville trône « La laitière de la place Médard » un tableau peint en 1890, place Médard.
Bénédicte des Mazery
" L'intrus " (Plon)
Élise et Romain forment un couple heureux : bons jobs, un appartement, une vie ponctuée par le déjeuner du dimanche avec Mina, la mère d'Élise. Jusqu'au jour où Élise se découvre enceinte. Pas question de garder cet intrus, elle n'a jamais voulu d'enfant. Elle va avorter. Mais à la consultation, Élise découvre qu'elle est enceinte de sept mois. Terrorisée, elle s'enferme dans le mutisme. Pour éveiller en elle l'instinct maternel, Romain lui offre un reborn baby. Et Mina s'installe chez eux pour apprendre à sa fille les gestes d'une mère sur ce bébé de silicone, si semblable à un vrai, si rassurant. Tout semble rentrer dans l'ordre, le ventre d'Élise grossit soudain. Mais à la naissance, Élise ne parvient pas à créer de lien avec son véritable enfant. Tom est "trop vivant", il l'inquiète. Plus Élise doute d'elle, plus son attachement au reborn se renforce. La mère parfaite, c'est Mina, qui prend le relais de sa fille auprès de son enfant malgré les réticences de Romain. Au fil des jours, tandis que Tom se laisse dépérir aux côtés du reborn immuable, les rôles de chacun deviennent de plus en plus confus, jusqu'à ne plus savoir ce qui se joue réellement… L'intrus n'est pas forcément celui qu'on croit.
Chronique de Jacques Plaine
BÉNÉDICTE DES MAZERY L’intrus Plon Écrivain, journaliste, auteur de documentaires télévisuels, Bénédicte des Mazery a reçu le prix Paul Féval de la Société des gens de lettres pour son roman « Les Oiseaux de passage ». En 2009 elle fut aussi finaliste du prix Charles Exbrayat avec « La Vie tranchée ». Lorsque Romain son cher mari lui avait proposé d’acheter une voiture, elle avait dit non. Il n’en avait pas moins fait l’acquisition d’une magnifique limousine qu’elle avait mise illico au garage. Puis quand un autre jour il avait parlé « maison » elle avait encore dit non, précisant « que son corps se crispait à l’idée de posséder ». Ils n’en avaient pas moins signés tous les deux « un crédit sur vingt ans pour un très bel appartement ». Même réponse sans nuances quand il avait été question de descendance. C’était non, toujours non. « Je n’ai pas envie de me reproduire, de fabriquer un autre être vivant, fragile, assujetti aux aléas d’une famille et de la vie, de ce monde. Je ne veux pas de ça. Jamais ! » C’était clair, net et précis, sauf qu’un jour - alors qu’elle était plate comme une planche à pain, qu’elle avait toujours pris la pilule et tous les trucs que vous savez - le gynécologue lui avait annoncé froidement la nouvelle : Madame vous êtes enceinte de sept mois et demi. Et avait rajouté question d’enfoncer le clou : « votre bébé mesure quarante centimètres et pèse déjà un kilo neuf ». Gros tsunami et mouvements divers dans la famille. Romain, le mari est ravi. Chef d’entreprise, il annonce même la nouvelle à son conseil d’administration. Mina, la mère d’Élise - qui depuis la mort de Paul son mari se considère comme une pièce maîtresse, essentielle et inamovible du ménage - est aux anges. Quant à Élise, rien de neuf dans sa petite tête de mule, elle envisage tout sauf d’être mère. Que ce soit se remettre au marathon ou faire don de son futur gamin à sa meilleure amie. La maternité non c’est pas pour elle. Avorter ? Pas ça non plus « le délai légal est dépassé ». Alors ? Alors un beau matin Romain et Élise se trouvent face à une vieille dame qui sourit à une drôle de poupée. Une poupée en silicone. Une reborn comme on les appelle dans les maisons de retraite où on compte sur elles pour amener calme et sérénité. Pour « la fille plate au ventre plein » une découverte qui change la donne.
Rolland Fournel
" La sidérurgie de la Loire " (Actes Graphiques)
L'histoire de la sidérurgie du département de la Loire depuis 1815 est riche en événements. Après un démarrage difficile la Loire occupe une place de premier plan pour la fabrication du fer et surtout de l'acier. De 1953 à 1970, des entreprises sont réunies au sein de la Compagnie des Ateliers et Forges de la Loire (CAFL), puis de 1971 à 1984 cette dernière s'allie avec les usines Schneider pour créer Creusot-Loire, dont la faillite en 1984 sera une tragédie pour notre département.
Chronique de Jacques Plaine
ROLLAND FOURNEL La sidérurgie de la Loire 1815–2022 Actes Graphiques Après « Compagnies minières et mineurs du Gier 1750– 1950 », Rolland Fournel nous propose ici un autre fleuron de l’aventure industrielle de la Loire : la sidérurgie. Au début du XIXème plus de huit mille ouvriers travaillaient le métal dans la Loire. Des armuriers, des quincailliers, des cloutiers, des couteliers mais personne n’osait s’attaquer à la fonte, au fer et à l’acier. Il faudra que James Jackson sollicité par un ministre de Napoléon 1er traverse le Chanel et s’installe à Trablaine (aujourd’hui le Chambon Feugerolles) pour que naisse en France la première fabrication d’acier fondu et que Saint-Étienne s’ouvre à la sidérurgie. Un départ insolite, Jackson déménageant ses activités au pied de la Roche Corbière un caillou que Lionel Terray escaladera avant l’Annapurna. Rolland Fournel nous raconte ces deux siècles de conquêtes et de prospérité, de marchés gigantesques générés par le développement du rail, de l’automobile et aujourd’hui du nucléaire. Deux siècles traversés par trois guerres précédées par de riches années pour des usines qui fabriquent des blindages, des chars d’assaut ou des canons de marine. Deux siècles marqués d’avancées techniques révolutionnaires - du puddlage à la coulée continue en passant par les fours électriques - mais émaillés de conflits, de crises financières, de krachs bancaires voire de grèves avec occupation d’usine. Une histoire qui verra les grandes heures des forges de Terrenoire, de Marrel, Holtzer, Claudinon, des Aciérie de la Marine, de Verdié, puis des Ateliers et Forges de Firminy, pour en arriver à la grande fusion des CAFL. Une fusion signée de cette déclaration du président des Aciéries de Firminy préférant « crever tout seul plutôt que prospérer dans le cadre d’une fusion » et celle du directeur d’Holtzer prévenant «qu’il appellerait le commissaire de police pour le mettre à la porte si quelqu’un venait lui parler de fusion ». Ensuite ce sera Creusot-Loire, les grimaces d’un certain baron suivies de celles d’un Pineau Valencienne enragé, l’État mettra alors une main à la poche puis l’autre sur les joyaux de l’affaire. Une descente aux enfers ? Sauf que le feu est le paradis de Vulcain, ce Dieu qu’on dit « sorti de la cuisse de Jupiter ».
Une émission enregistrée à la médiathèque de Saint-Etienne
Quelle mouche a donc piqué Charly Picassiette ?
À peine majeur, il veut quitter sa mère poule, leur ferme des collines, leur village. Paris l’attend, paraît-il, et puis la gloire : le garçon s’apprête à publier un « roman » très autobiographique où tous ses proches pourront se reconnaître.
Mais Madame Picassiette et ses voisins ne l’entendent pas de cette oreille : pas question de laisser le mioche gâcher sa vie et raconter la leur.
Au Chandoiseau (14 habitants, 3 chèvres), l’heure de la mobilisation générale a sonné…
PHILIPPE FOUILLOUSE
Code Livingstone aux éditions Saint-Honoré
Après avoir écrit une série de Nouvelles en 1990, le Rouchon Philippe Fouillouse décide en 2018 de les publier. Devant leur succès il a repris la plume. « Code Livingstone » est son troisième polar.
Attachez vos ceintures, bonnes gens, vous voilà partis au bout du monde. En passant par les Seychelles puis la place du Marché de Cracovie, vous allez poser vos valises au cœur des terres africaines, là où en 1855 l’explorateur David Livingstone découvrit les chutes du Zambèze. Et pas
tout seuls les amis, mais avec cette belle blonde de Katleen.
Derrière le « plus grand rideau d’eau de la planète » - les chutes Victoria - vous allez vous trouver face à des oiseaux géants disparus depuis Cro-Magnon et côtoyer des pachydermes de légende. Des éléphants comme ceux dont Katleen caresse la trompe au cirque qui parfois plante ses mâts derrière le musée d’Art moderne de Saint-Étienne.
Car cette aventure est une histoire bien de chez nous. Elle démarre à Roche la Molière. Au bord des étangs de l’Egotay, là où une brave dame - qui faisait pisser son chien - mit le pied sur un cadavre.
De page en page vous allez lier connaissance avec une drôle de brochette de citoyens du monde : Katleen qui se shoote à l’Efferalgan, Lilou sa fille « une gamine à peau d’ébène qui parle aux oiseaux », l’inspecteur Péroni un fou de jogging qui s’est mis en tête de gagner les 24 heures de Roche la Molière, mais aussi quelques voyous à vous faire regretter l’abolition de la peine de mort. Le père Martin inventeur du cassis à la strychnine une liqueur à vous envoyer tout droit sucer les mauves par la racine, Billy le meilleur tueur à gage de la côte ouest des États Unis, Raphaël Petit un Dracula au petit pied et quelques ténors du surin ou de la gâchette aux noms trop compliqués pour que je les énumère ici.
Et puis, tout d’un coup et sans prévenir, l’auteur lui-même se prend pour un personnage du roman et descend dans le polar « je suis Philippe Fouillouse, J’habite votre quartier ». Et sans plus attendre fait « ses yeux de biche » - je cite – « à la femme aux cheveux d’or ».
Un bouquin où tout arrive ou peut arriver. Comme par exemple que ce soit vous …Non ! Pas ça quand même !
Christian Bourbon
" De Montreynaud à Tombouctou " (Numidya)
Dans ce livre très bien illustré, inspiré du film réalisé par Farid Milaz et l'association Numidya « Montreynaud, l'empreinte d'un quartier», l'auteur fait parler les habitants du quartier Montreynaud des années 60 à nos jours et met ces témoignages en miroir avec la vie de ceux de Tombouctou, cotoyés lors de longs séjours.
Chronique de Jacques Plaine
CHRISTIAN BOURBON De Montreynaud à Tombouctou, un soir d’été Numidya Après avoir visionné le film documentaire de Farid Milaz « L’Empreinte d’un quartier » Christian Bourbon de retour d’une mission de solidarité à Tombouctou – et après avoir rencontré Malika Sidous - jette un regard nouveau sur Montreynaud. Saint-Étienne et ses sept collines, Saint-Étienne et ses quartiers. Certains sur les collines - celles de Montreynaud, Beaulieu, la Cotonne - d’autres plus bas dans la vallée le long du Furan. Tous avec leur vie propre, leurs traditions, leurs souvenirs, leurs mascottes, leurs gloires. On est de Montaud, de la Rivière, de Saint-François et on en est fier. De père en fils on habite Côte Chaude, le Soleil, Valbenoîte et on s’en glorifie. Christian Bourbon lui arrive de Tombouctou – à dos de chameau, ou de dromadaire allez savoir - et découvre Montreynaud. Montreynaud et ses neuf mille habitants venus du Nord ou du Sud, de l’Est ou de l’Ouest. Le Clapier se repère grâce au chevalement du puits Couriot, Montreynaud lui se distinguait par sa tour atypique. Un bâtiment moitié château d’eau, moitié logements d’habitation - qu’après referendum ou « votation » comme disent les Suisses - quelques pains de TNT ont fait partir en fumée. Débarrassé des moustiques de « la Perle du Désert » Christian Bourbon découvre ce quartier. Les petits et les grands. Les jeunes et les moins jeunes. Les jeunes qui vivent, jouent et s’amusent comme jadis sur les places des villages et se voient dans un futur doré, footballeurs professionnels, ingénieurs, cuisiniers trois étoiles, astronautes et les moins jeunes qui comme nulle part ailleurs ouvrent grand leur porte aux voisins et voisines, se partagent la garde des enfants, les soirées devant la télé, le couscous, la paella et les parts de pizza. Oui sous le soleil de Montreynaud - et grâce au collectif « Vivre ensemble » de Malika Sidous - on siffle plus souvent « Là-haut sur la colline » de Joe Dassin que l’on chante « la Mauvaise réputation » de qui vous savez.
Gaëlle Nohant
" Le bureau d'éclaircissement des destins " (Grasset)
Au cœur de l'Allemagne, l'International Tracing Service est le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. La jeune Irène y trouve un emploi en 1990 et se découvre une vocation pour le travail d'investigation. Méticuleuse, obsessionnelle, elle se laisse happer par ses dossiers, au regret de son fils qu'elle élève seule depuis son divorce d'avec son mari allemand. À l'automne 2016, Irène se voit confier une mission inédite : restituer les milliers d'objets dont le centre a hérité à la libération des camps. Un Pierrot de tissu terni, un médaillon, un mouchoir brodé… Chaque objet, même modeste, renferme ses secrets. Il faut retrouver la trace de son propriétaire déporté, afin de remettre à ses descendants le souvenir de leur parent. Au fil de ses enquêtes, Irène se heurte aux mystères du Centre et à son propre passé. Cherchant les disparus, elle rencontre ses contemporains qui la bouleversent et la guident, de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique ou l'Argentine. Au bout du chemin, comment les vivants recevront-ils ces objets hantés ?
Chroniques de Jacques Plaine
GAËLLE NOHANT Le bureau d’éclaircissement des destins Grasset Gaëlle Nohant née à Paris, vit à Lyon. Cinq romans et cinq prix littéraires dont le prix des Libraires 2018 pour « Légende d’un dormeur éveillé » et le grand prix RTLLire 2023 pour « Le Bureau d’éclaircissement des destins ». Au cœur de l’Allemagne, la ville de Bad Arolsen. Au cœur de cette petite ville « le Bureau Central de Recherches » créé en 1943, devenu « l’International Tracing Service » en 1948 et « les Archives Arolsen » aujourd’hui. Avec toujours 250 collaborateurs sa mission n’a pas changé : sauvegarder la mémoire des crimes nazis et contribuer à cultiver le souvenir. Employée modèle depuis plus de vingt cinq ans, Irène, une jeune française divorcée d’un allemand et désertée par l’amour - après un dîner où sa belle-famille a mis sur la table ce qu’elle laissait jusque-là sous le tapis - se voit confier une mission qui va tout changer. 2016, elle est en charge de restituer à des familles de déportés, exécutés par les nazis, des objets leur ayant appartenu et retrouvés à la libération des camps. « Vous avez trois mille objets à restituer, et une seule vie pour le faire » lui a résumé la directrice. Des alliances, des chevalières, des bijoux de pacotille, des petits riens qui sont la dernière trace d’un grand-père, d’une mère, d’une sœur. Le dernier souvenir d’un proche, mort ou pas qui peut le dire on a vu tant de choses. Cette poussière de souvenirs pourrait être un signe. Celui que tout est possible et qu’un espoir, certes infime, de retrouver vivant un cher disparu – voire sous un autre nom ou à l’autre bout du monde - n’est pas interdit. Irène est là pour ça. Pour faire parler un pierrot de chiffon, trouvé à Buchenwald avec un matricule tracé sur le ventre ou pour en savoir plus sur une femme assassinée au camp de Ravensbrück et dont le médaillon fétiche a été découvert dans une boîte « A n’ouvrir qu’après ma mort ». « Peut-on rester humain dans un cadre où l’inhumanité est la règle ? » Femme sans homme, éperdue d’amour pour son fils mais perdue dans une jungle où les pires nazis grenouillent encore dans les bénitiers, Irène va découvrir que tout là-bas à l’Est « le bon vieux temps » n’est pas tout à fait le nôtre.
JEAN AUROUX
Un chemin républicain
Mot-Tech [Mémoires d’or]
Professeur d’histoire et géographie puis inspecteur d’Académie, Jean Auroux fut maire de Roanne de 1977 à 2001, député de la Loire 1978-1993, ministre du Travail 1981-1983, secrétaire d’État chargé de l’Énergie 1983- 1984 puis chargé des Transports 1984-1985, ministre de l’Urbanisme 1985-1986
L’histoire de Jean Auroux, maire de Roanne pendant vingt cinq ans, député de la Loire pendant douze puis ministre à Paris est une histoire qui commence pas tout à fait chez nous puisque il est né dans le Rhône. « À vingt km de Roanne à vol d’oiseau ». À Mardore exactement où le maire était son père. Maire d’un village où le facteur ne savait même pas lire et aussi paysan dans une ferme où le martinet – même symbolique - était pendu dans la cuisine.
Après des études dans un lycée de Roanne, lycée où le Père Coton a peut-être lancé son premier « Jarnicoton » - le célèbre confesseur d’Henri IV était de par ici - le voici maître auxiliaire, puis professeur de lycée. Et puis un jour, adieu le confort des salles de profs, bonjour le vertige du jeu politique, le voilà élu conseiller général du département de la Loire. C’est le 14 mars 1976. Il a trente trois ans.
Tout va alors très vite : maire de Roanne en 1977 puis député en 1978 il se lance dans la bataille des Présidentielles de 1981. Victoire de la gauche, ministre du Travail, puis secrétaire d’État chargé de l’Énergie, puis chargé des Transports, enfin ministre de l’Urbanisme. On est alors en 1985.
« Ce qu’on ne fait pas la première année, on ne le fait jamais » lui avait confié François Mitterrand sur le plot de départ. La mise en forme des lois dites « Auroux » avec Henri Krasucki, Edmond Maire et André Bergeron d’un côté, Yvon Chotard et René Bernasconi de l’autre, lois qui modifient profondément le code du travail ne sera pas un long fleuve tranquille. La suite ne sera pas mal non plus avec au tableau d’honneur la finalisation du tunnel sous la Manche. Et tant d’autres aventures menées tambour battant tout là-haut sur les bords de Seine comme ici-bas sur ceux de la Loire.
C'est à une émission "A plus d'un titre" que nous allons vous inviter maintenant puisque l'auteur invité, Jean-Marie Quéméner, vit à quelques 7500 kms de Saint-Etienne. Et c'est en visio qu'il a répondu aux questions de Jacques Plaine et Anne-Marie Vergnon. Jean-Marie Quéméner vit en effet actuellement au Nigéria et n'a pas pu se déplacer lors de l'enregistrement de l'émission pour venir recevoir son prix donné par les lycéens. Nominé en octobre parmi les 3 lauréats du Prix Exbrayat, Jean-Marie Quéméner était alors arrivé en seconde position. Mais pour le prix Exbrayat des lycéens, il été le vainqueur haut la main du choix des jeunes. Nous allons donc évoquer avec lui le livre pour lequel il a obtenu le prix : Sombre éclat paru chez Plon. Et puis sa trilogie autour du pirate malgré lui, Yann Kervadec avec une présentation du premier opus : La République de Pirates, paru également chez Plon.
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Daniel de Roulet
" Portraits clandestins " (La Baconnière)
Daniel de Roulet a rassemblé vingt-trois portraits d'écrivaines et écrivains des trois derniers siècles puisés dans notre patrimoine littéraire occidental. Clandestins ils le sont parce qu'il s'agit de portraits écrits sans se prévaloir d'aucune autorité. Ces courts essais évoquent des vies dans lesquelles l'écriture a joué un rôle décisif si ce n'est exclusif : de Marcel Proust à Annemarie Schwarzenbach, en passant par Robert Walser, James Baldwin ou encore Agota Kristof.
Stéphanie Dupays
" Un puma dans le cœur " (L'Olivier)
"Morte de chagrin, le cœur brisé". C'est la légende familiale qui entoure l'arrière-grand-mère de la narratrice ; Anne Décimus aurait suivi son mari dans la mort. L'étrange proximité que Stéphanie Dupays ressent avec son ancêtre la pousse à mener l'enquête. Elle découvre alors un secret qui fait vaciller ses certitudes : Anne a passé la majeure partie de sa vie dans un asile ; elle est décédée quarante ans après la date que tous pensaient officielle. Comment l'existence de cette femme a-t-elle pu être effacée au point que même les siens ignorent tout d'elle ?
Chronique de Jacques Plaine
STÉPHANIE DUPAYS Un puma dans le cœur Éditions de l’Olivier Haute fonctionnaire et critique littéraire, Stéphanie Dupays est aussi écrivaine. Son premier roman « Brillante » a reçu le Prix Charles Exbrayat 2016. Elle est la marraine du Concours de Nouvelles organisé en 2020 par « Lire à Saint-Étienne » et la Médiathèque municipale. « C’est une famille restreinte, quelque peu ratatinée, que la mienne. Mes parents, ma grand-mère et moi. C’est tout. » Et puis un beau matin sachant que lors d’un naufrage où il s’était conduit en héros, un lointain ancêtre marin aux Malouines avait été décoré de la Légion d’honneur, la mère de la narratrice décide de se lancer dans la généalogie. « Mieux vaut la généalogie que le parapente » plaisante sa fille avant d’aider sa mère à cheminer dans le dédale informatique de son nouveau hobby. Et à tout hasard tape le nom de son arrière grand-mère – Anne Décimus - sur un moteur de recherche. Pour découvrir quoi ? Que cette femme était morte en 1964 alors que l’histoire de la famille l’enterrait quarante ans plus tôt. La rayait des vivants à la mort de deux de ses fils, l’un victime de la première guerre mondiale où il avait été gazé, l’autre renversé par un tramway, et mort aussi de son mari qu’une crise cardiaque avait alors emporté parachevant ainsi l’hécatombe. « Elle est morte de chagrin, le cœur brisé. » se justifiait sa fille – grand-mère de la narratrice - qui n’avait que huit ans lors de la tragédie et dont l’horizon s’est alors borné aux murs d’un orphelinat de religieuses puis à ceux d’une cuisine de maison bourgeoise de Bordeaux où elle sera placée comme domestique lors de ses dix-huit ans. Qu’a fait Anne Décimus pendant ces quarante ans ? Comment interroger sa fille – quatre vingt quinze ans aujourd’hui - qui une fois adulte a oublié qu’elle avait une mère et n’a jamais cherché sa tombe ? Comment en savoir plus de sa propre mère qui se contente de soupirer que « l’eau a coulé sous les ponts » et de son propre père qui rajoute fataliste que « c’était une autre époque, les gens se posaient moins de questions que maintenant » ? Oui comment faire revivre quarante ans de la vie d’une arrière grand-mère dont il ne reste qu’un médaillon en forme de cœur ?
Yves Bichet
" La beauté du geste " (Le Pommier)
« Seuls quelques gestes démodés suscitent encore l'intérêt du public, ceux du tailleur de pierre par exemple, du stucateur, du cintreur. La main du bâtisseur moderne est ennuyeuse. Sa tâche est rebutante même si son entêtement à la poursuivre quelle que soit la saison, qu'il pleuve ou qu'il vente, mérite le respect ou l'admiration. Le maçon éprouve son savoir-faire jour après jour. Il l'améliore discrètement, en silence. Il affine sa technique sans revenir sur les erreurs du passé. Il se fiche de la beauté. Ce qui est fait est fait. Que dire de plus ?… « Qu'avec les mots, bien sûr, c'est l'exact opposé. Qu'on n'en finit jamais de retravailler les phrases, qu'on rature et corrige indéfiniment et que vouloir concilier ces deux activités est une illusion… »
Chronique de Jacques Plaine
YVES BICHET La Beauté du geste Le Pommier Avant d’être romancier, poète et dramaturge, Yves Bichet fut ouvrier agricole pendant neuf ans puis exerça quelques années encore le métier de maçoncouvreur. Aujourd’hui avec ses mots de romancier et de poète – son verbe taillé dans le diamant et son sens du détail qui donne le vertige – Yves Bichet rend hommage au geste. « À l’habileté et à la beauté du geste ». Que ce soient les doigts du chirurgien qui entaillent la peau « avec une précision stupéfiante » ou la main du chef d’orchestre qui « immobilise le temps au bout de sa baguette ». Que ce soit grâce au chef étoilé qui avec une plume d’oie « déleste les groseilles de leurs pépins » pour préparer le fameux caviar de Bar ou que ce soit au cœur de l’arène quand le matador multiplie les passes avant de ployer « le genou pour l’estocade ». De geste en geste, de mot en mot, de récit en récit, Yves Bichet fait revivre le grand-père « réfugié sous la charmille » qui lèche son index chaque fois qu’il tourne la page de son livre, ou s’attarde sur le footballeur qui au début du match « fait un signe de croix en embrassant son ballon ». Il nous offre aussi d’autres moments rares comme celui où un maçon glisse d’un toit, réussit par un incroyable coup de rein un impossible retournement, évite dans sa chute des ferrailles pointues comme des lances, et se retrouve indemne sur le sol. Miraculé, il en oublie son humour de croque-mort et son bégaiement atavique pour se mettre à parler comme vous et moi et à plaisanter comme un carabin. C’est aussi la légende de l’arbre tricentenaire. Un noyer à la plus grosse branche duquel - une ou deux fois par décennie et le lundi matin de préférence - un pendu se balance au bout d’une corde. Reste cette dernière histoire, capitale car elle est celle de plusieurs lectures. L’histoire de l’andaineuse - un vieux râteau mécanique oublié dans une cour de ferme - et que l’auteur va écraser en reculant. Une banale histoire de tracteur mal maîtrisé me direz-vous sauf qu’apprendre à reculer est aujourd’hui le nouvel art de regarder devant soi. Apprendre à regarder derrière pour maîtriser « le grand attelage du progrès qui dérape dans notre dos ».
CHRISTIAN VÉROT & GEORGES BAUDOT
''Coke cerise'' aux éditions Abatos
Les habitants de la petite commune de Saint-Victor-sur-Loire, les Croque-cerises, vivant si tranquillement à l'ordinaire, voient leur quotidien bouleversé. Voilà que la police ne passe pas un jour sans venir sur les lieux. La plage et le port n’ont jamais été aussi fréquentés durant un mois de mai. Après une jeune femme, trouvée morte, nue sur le sable, sans aucune trace de violence apparente, c’est un SDF qui vient finir ses jours au même endroit et ce n’est pas fini. Les quatre inspecteurs de la brigade de Nicolas Boyer vont mener l’enquête et aller de
surprise en surprise.
La chronique de Jacques Plaine :
Assis côte à côte dans un même stand à la Fête du livre de Saint-Étienne les deux auteurs Stéphanois Christian Vérot et Georges Baudot avaient déjà écrit à quatre
mains « Charbon rouge » les voilà partis dans une nouvelle aventure avec « Coke cerise ».
Christian Vérot et George Baudot ne sont pas les premiers auteurs à tenter l’aventure. Celle d’écrire un livre à deux.
Erckmann-Chatrian, Boileau-Narcejac, les frères Goncourt et tant d’autres s’y sont essayé bien avant eux, chacun avec ses techniques, ses méthodes, ses recettes.
L’originalité des sieurs Vérot et Baudot est de s’être lancés dans cette entreprise, l’un comme l’autre avec ses personnages - ceux de ses livres précédents - sans les modifier d’un poil, d’un cheveu ou d’une virgule pour écrire cette nouvelle histoire. Comme si le commissaire Maigret
débarquant dans un polar d’Exbrayat, fumait une pipe avec Imogène ou s’endormait dans les bras d’une ravissante idiote. Comme si Don Quichotte se lançait à l’assaut des moulins à vent à dada sur le Jolly Jumper de Lucky Luke.
Mais si dans leur premier polar à deux Vérot et Baudot n’avaient osé faire passer de vie à trépas qu’une seule victime - retrouvée une main en l’air et la tête en bas sur les pentes du crassier de Michon - dans « Coke cerise » ils s’enhardissent furieusement et c’est quatre pèlerins ou pèlerines que l’on va découvrir le ventre en l’air (et rien en bas pour la dame.) On peut même dire que cette dernière - plus Marie Madeleine que Vierge Marie– n’aurait pas hésité à sniffer des herbes à vous déclapoter la cafetière avant d’être retrouvée sur la plage de Saint-Victor.
Ajoutons que si la plupart des personnages de ce roman n’ont gardé de la parlure stéphanoise que le minimum pour ne pas être confondus avec les jacounâsses des bords du Rhône, il n’en est pas de même du Jean-Marie et de tous ses copains du Bois Monzil. Des bois-sans-soif qui jabiassent comme du temps où les migrants venaient tous de la Haute Loire, un temps où on accumoncelait des mots gagas qui n’ont toujours pas trouvé leur place dans le dictionnaire de l’Académie française et qu’aux dernières nouvelles l’intelligence artificielle n’arrive même pas à mettre en ligne.
Alain Faucoup
" Les amants de l'Aqueduc " (Éditions du Mot Passant)
Au début du II siècle de notre ère, les Romains décident la construction d'un long aqueduc pour alimenter les thermes et les fontaines de Lugdunum (Lyon). Ils trouveront la main-d'œuvre parmi les ouvriers gaulois des villes de la Gaule.
C'est ainsi que Brennos, jeune tailleur de pierres, devra quitter sa famille pour exercer ses talents sur ce gigantesque chantier. Il y rencontrera Flavia. Tous deux vivront un amour fulgurant, mais impossible.
Parviendra-t-il à devenir l'homme important qui lui ouvrirait enfin la route vers sa belle ? …
Chronique de Jacques Plaine
ALAIN FAUCOUP Les Amants de l’Aqueduc (Éditions du Mot Passant) .
Après des études littéraires et une carrière commerciale, Alain Faucoup est devenu éditeur et a publié une série de beaux livres régionaux. Aujourd’hui écrivain et après une saga en trois volumes voilà son nouveau roman « Les Amants de l’Aqueduc ». 107 après JC. En ce temps là Brennos et Dagorigis, tailleurs de pierre et copains de toujours – ils ont appris le latin ensemble, Brennos le parle et l’écrit, Dagorigis le baragouine - sont au service de la villa romaine d’Octavius sur le territoire du Forum Ségusiavorum. La ville de Feurs aujourd’hui. En ce début de siècle, l’Empire Romain est à l’apogée de sa gloire et de ses conquêtes. De Syracuse à Carthage, des Carpates à Gibraltar, du haut bout de l’Angleterre à Babylone, Rome trace sa route. La Gaule n’est plus la Gaule. Jules César, Alésia, Vercingétorix c’est du passé. Aujourd’hui l’empereur c’est Trajan avec son goût immodéré de la pierre et des travaux à renverser les montagnes. Plus tout à fait esclaves, pas encore hommes libres, Brennos et Dagorigis ne sont pour l’heure que deux affranchis. Brennos prêt à tout pour les honneurs, la gloire et l’argent. Raser sa moustache, tondre sa tignasse, être le meilleur des tailleurs de pierres de l’Empire et devenir enfin un vrai citoyen romain. Dagorigis est plus modeste. Moins doué mais lucide il sait qu’il sera toujours dans l’ombre de son copain, il sait aussi que pour devenir citoyen romain il lui faudrait collaborer avec l’envahisseur, l’intrus, l’ennemi. En un mot trahir la Gaule. Réquisitionnés mais ensemble - « vous ne pouvez pas refuser, c’est un ordre de Rome » - ils vont partir et participer à la construction. de « l’aquae ductus Jarensis ». L’Aqueduc du Gier. Un formidable honneur, une grande aventure, le bonheur de vivre les exploits des architectes romains. Édifier avec eux les moulins de Barbegal, découvrir le Pont du Gard, les arènes de Nîmes, l’amphithéâtre d’Arles. Au pays, déchirés, ils laisseront la belle Flavia, fille d’un richissime vétéran des légions romaines. Mais que peut espérer un affranchi de la fille d’un centurion ?
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