Pierre Manenti est aujourd’hui au micro de RCF-Radio Notre Dame pour nous parler des figures emblématiques de Charles Pasqua et de Bruno Retailleau. Il s’interroge sur la figure de Bruno Retailleau est-il le miroir de Charles Pasqua ?
Il y a des figures comme cela qui ont marqué l'histoire politique, qui ont imprimé davantage que d'autres. A droite, où la sécurité est un élément de langage fort, celle de Charles Pasqua demeure en bonne place sur la grande étagère du Gaullisme puis du Chiraquisme. Au-delà de tout ce qui les distinguent, que partagent les deux ministres de l'Intérieur Bruno Retailleau et Charles Pasqua ? Si Bruno Retailleau est une pièce maîtresse de ce gouvernement, on ne peut pas dire qu'il forme un attelage avec le président de la République dont il serait en quelque sorte le garde du corps comme Charles Pasqua le fut avec Jacques Chirac. Reste que Bruno Retailleau entend reprendre la tête des Républicains, il se lance dans cette course, il mise sur sa popularité gagnée place Beauvau et vient d'être désigné personnalité politique de l'année par le trombinoscope c'était hier soir à l'Assemblée nationale.
Parce que c'est un personnage qui a été une personnalité politique, député, sénateur plusieurs fois ministre de l'Intérieur mais il a aussi toujours été un homme de coulisse sous le général de Gaulle, de Jacques Messmer, Jacques Chirac. Il a vraiment été le “porte flingue” de Jacques Chirac, l'homme détaché libre mais important dans une campagne politique. Celui qui n'avait pas peur d'aller coller en pleine nuit des affiches. Celui qui n'avait pas peur parfois aussi de donner des coups de poing contre ses opposants politiques. C'est vraiment cet homme de l'ombre, cet homme des coulisses que j'ai voulu mettre en avant à travers cette biographie.
La Corse, cette île de beauté est toujours une terre à laquelle il restera particulièrement attaché, il parle le corse et à un amour de cette terre Corse, de cette culture corse, de ces sonorités et une certaine culture du secret dont il ne se départira jamais en politique. La Corse fait pleinement partie de lui, lorsque l'on pense à Charles Pasqua, on pense au ministre de l'Intérieur mais aussi à son accent prononcé. Cet homme du sud finalement, quand on regarde son visage, quand on l'écoute on entend le bruit des glaçons dans le verre de pastis. Il a été très longtemps commercial pour Ricard et il était très attaché à ces entités. Il a toujours refusé d'abandonner son accent, il savait se montrer comme un homme du terrain, un homme terroir, un homme proche de ces racines et je crois que les français ont particulièrement apprécié cette proximité à ses racines provençales et corses.
Il rencontre Paul Ricard qui lui propose un travail, avec qui il travaille pendant 15 ans, il s’impose auprès de lui comme un homme à tout faire, un commercial et puis s’impose en 1967 comme le numéro deux de l’entreprise. Il aurait donc pu y rester et ne pas avoir de carrière politique mais 1968 et pour lui le déclic de cette entrée en politique. George Pompidou le reçoit et lui dit "Charles Pasqua, il faut vous engager, il faut que vôtre gaullisme qui est sincère soit être mis à contribution du pays" et Charles Pasqua lui dit "Oui mais j’ai déjà une carrière dans le privé." Pompidou lui dit : “écoutez Pasqua si le pays part à l’eau, si la République Gaulliste s’effondre, est-ce que vous serez content d’avoir tenu votre entreprise?" C’est véritablement cela qui décide Charles Pasqua à s’engager en politique, c’est la diversité du régime gaulliste c’est la crise qu’il traverse en mai 1968 et pour lui cela est le déclic, il ne peut pas simplement être un gaulliste de parole, il doit être un gaulliste d’action.
Après la guerre, il s’engage en 1947, dans le RPF, parti du général de Gaulle qu’il admire tant. C’est là qu’il va vraiment constitué son réseau, des amitiés politiques, découvrir le militantisme en faisant des campagnes électorales à Grasse, à Marseille où il va s’établir avec sa famille, ou il va rencontrer Marcel Dassault dans la campagne Gaulliste des années 1951 où il va découvrir les bonheurs et malheurs de la vie politique. Toute sa carrière va se forgée en Provence, près d’une génération qui a vécu la guerre qui hérite des codes, des réseaux, des manières de faire de la politique et lui-même se lançant finalement dans sa première élection en 1968 donc on peut le qualifier de politique sur le tard.
Il s'est véritablement enraciné dans les Hauts de Seine dont il a fait un bastion extrêmement important pour le RPR. Il est élu pour la première fois dans ce département en 1968, au lendemain des événements de mai 68. Pourtant à l'époque, c'est un bastion communiste et il va vraiment s'y enraciner et en deviendra sénateur en 1977 et président du Conseil général. Il va autour de lui aussi faire émerger une génération politique et faire confiance à des jeunes, il va les encourager, les accompagner et ce sont des noms qui ont fait floraisons puisque parmi ces jeunes il y a des gens comme Nicolas Sarkozy… qui vont être formés par Charles Pasqua, qui va avec lui partir à la conquête des Hauts de Seine et puis va participer à construire cet empire qui pendant très restera longtemps son fief. Il va donc faire montre d’une vraie réussite électorale en prenant cette circonscription à la gauche et va ensuite se battre pour que sa circonscription mais aussi les autres circonscriptions autour et les nombreuses villes basculent à droite et dans la mythologie Pasqua, il y a aussi ce travail de fond, de terrain qu’il a fait en marquant tout un département derrière lui.
Charles Pasqua c'est l'homme des bons mots qui va du fameux "Il faut terroriser les terroristes" formule qui incarne tout à fait cette rigueur implacable qu'il a lorsqu'il est ministre de l'Intérieur et lorsqu'il combat les attentats terroristes qui ont eu lieu sur le sol français. Jusqu'à des formules un peu plus drôles et sympathiques. Comme lorsqu'à la fin de sa vie, il est à la fois sénateur et député, on l'interroge sur la différence qui peut exister entre ces deux chambres et il précise que si à l'Assemblée nationale on tue au poignard, au Sénat on tue au poison.
Enfin, on peut donc voir un Bruno Retailleau dans les pas de Charles Pasqua. Il y aurait donc des choses dont s’inspirer de Charles Pasqua pour Bruno Retailleau tout en reconnaissant les différences entre les deux.
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