Latifa Ibn Ziaten, l'Amour encore plus grand que la foiCette rencontre du mercredi 3 mai 2023 a eu lieu grâce à l'équipe du Puzzle de Thionville. Qu'elle en soit ici remerciée.
Le destin de Latifa Ibn Ziaten est celui de la force de l'Amour d'une mère courage face au feu de l'épreuve la plus cruelle. Que faire de la mort d'un fils dans des circonstances tragiques et insoutenables? Comment transformer l'épreuve en source de force revivifiée par la foi? Latifa Ibn Ziaten est la mère d'Imad Ibn Ziaten, sous-officier du 1er régiment du train parachutiste de Francazal assassiné par le terroriste Mohammed Merah le 11 mars 2012 à Toulouse. Quarante jours après la mort de son fils, Latifa Ibn Ziaten cherche des explications à ce drame et se rend aux Izards, cité du nord-est de Toulouse où vivait l'assassin d'Imad et de six autres victimes. "La moitié de mon cœur est partie avec lui et je ne voulais pas qu'il soit oublié. Tout le travail que je fais me permet de voir mon fils grandir chaque jour à travers l'association". Elle fonde l'association IMAD pour la jeunesse et la paix, dont le but est de venir en aide aux jeunes des quartiers en difficulté. Dans ses nombreuses conférences, Latifa Ibn Ziaten raconte que sa volonté de "tendre la main vers l'autre" lui est venue d'une discussion avec des jeunes, dans le quartier de Toulouse où habitait Mohammed Merah avant d'être tué par la police. Des jeunes "rejetés de partout","Ils m'ont dit: madame, vous ne regardez pas la télé ? Mohammed Merah, c'est un "martyr de l'Islam", c'est un "héros". Là je me suis dit qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Je leur ai demandé: Comment pouvez vous dire que c'est un martyr ? C'est un assassin. Je suis la mère d'Imad. J'ai vu leur visage changer, ils m'ont répondu on est vraiment désolé, mais regardez où on habite. La République nous a oubliés. Les rats pris aux pièges ils deviennent enragés!"
Pour Latifa Ibn Ziaten, le "piège" de la radicalisation plane sur les jeunes "livrés à eux-mêmes", "fatigués et rejetés de partout". "Il faut réussir à savoir ce qu'il se passe dans la tête d'un jeune et quelles solutions on peut lui proposer".Sa figure témoigne d'un Islam des Lumières, alliée inattendue, ou au contraire trop attendue et inespérée, d'une République et d'une laicité plus ouverte et plus forte que celles que les institutions peuvent proposer. Elle qui porte le voile du deuil et de sa foi dans les établissements scolaires, preuve que tout n'est pas qu'affaire de signes ostentatoires mais bien d'intention réelle. Latifa nous montre ce que le malheur converti en force d'action peut réaliser, qu'il peut être un ferment de transformation bénéfique de la société. Elle met en oeuvre la force de l'Amour maternel si cruellement mis à l'épreuve.
Elle m'a aussi raconté sa rencontre avec le pape François, le 2 mars 2021. "Une rencontre qui m'a fait ressentir la paix profonde qui l'anime" m'a confiée celle qui voue sa vie à empêcher la radicalisation des jeunes et la propagation du fanatisme qui n'est, pour elle, que l'autre versant du manque d'amour à tous les niveaux: parental, familial, social, institutionnel.
Pour empêcher la radicalisation des jeunes, l'accompagnement quotidien des enfants placés en foyer est un des enjeux clefs, juge-t-elle, tout comme l'accès à des assistants de service social dans tous les établissements scolaires et la réinsertion des détenus à leur sortie de prison. Après l'assassinat de mon fils, j'ai voulu créer quelque chose, pour qu'il ne soit pas oublié. "Quand vous n'avez pas les chances à disposition pour réussir, quelqu'un peut vous récupérer, ce n'est jamais définitivement perdu".