LE LIVRE DE LA SEMAINE-Christophe Henning, revient sur le tout dernier livre de François Cheng, "Une nuit au cap de la Chèvre", paru chez Albin Michel. A travers ce roman, l’académicien chinois évoque l’invitation d’une amie qui lui prête sa maison à la pointe sud de la presqu’ile de Crozon, lieu dit au cap de la Chèvre. L'auteur y invite ses lecteurs à la méditation à l'émerveillement, à celle du bruit incessant des vagues, du vide, de la nuit, du vent, du tout.
Symboliquement, François Cheng par la conquête de l’ouest ultime du continent européen, lui qui a choisi la France dès 1948, alors même que ses parents franchissaient l’Atlantique vers la promesse américaine. "On est ici en un point extrême de la terre d’Occident. Au-delà, il n’y a plus rien, que l’océan", avertit son hôtesse.
A 95 ans, l’académicien François Cheng ne finit pas de s’interroger. Tout est prétexte à méditation, sur la beauté comme sur la mort, des thèmes qu’il a déjà explorés dans d’incontournables essai, on se souvient de Cinq méditations sur la beauté en 2006, et encore Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie, en 2013.
Je prends soudain conscience que nous sommes l’œil ouvert et le cœur battant de cet univers.
Le vide, le tout, la nuit, le vent, le bruit incessant des vagues sont les thèmes qui reviennent dans ce roman et qui suscitent pour l'auteur une inlassable méditation. La lune provoque les marées : "Elle les lance sans répit, à l’assaut de tout." Eveillé, l’écrivain écrit encore : "En cette nuit inattendue, je suis pris par l’urgence de dire ce qu’il y a de spécifique dans le fait d’être un humain. Je suis pris d’une urgence avant qu’il ne soit trop tard." Sous le ciel étoilé, c’est à la dimension du cosmos que jaillit la pensée : "Je prends soudain conscience que nous sommes l’œil ouvert et le cœur battant de cet univers."
Le rude apprentissage de la langue française va ouvrir des horizons : calligraphe, poète, écrivain, traducteur, romancier, élu académicien en 2002.
En quelques pages émouvantes, François Cheng rappelle l’enfant qui avait faim et froid durant la guerre sino-japonaise, l’adolescent fugueur, l’étudiant qui découvrait la poésie. A 18 ans, c’est le départ pour la France. Le rude apprentissage de la langue française va ouvrir des horizons : calligraphe, poète, écrivain, traducteur, romancier, élu académicien en 2002, au 34e fauteuil, celui de Fénelon et Maurice Genevoix.
Parcourir d’un bout à l’autre le vaste continent Eurasie, assimiler pleinement les deux grandes cultures qui s’y sont développées, les relier, les malaxer jusqu’à en faire un terreau fécond apte à donner naissance à des créations originales, c’était le défi de ma longue vie.
Cheng n’eut de cesse de conjuguer la tradition chinoise et la culture occidentale. "Parcourir d’un bout à l’autre le vaste continent Eurasie, assimiler pleinement les deux grandes cultures qui s’y sont développées, les relier, les malaxer jusqu’à en faire un terreau fécond apte à donner naissance à des créations originales, c’était le défi de ma longue vie. Pas moins d’un siècle a été nécessaire à cette tâche."
Ce petit livre est murmuré au coin du feu, tel une confidence ultime. A sa manière, François Cheng y condense quelques fulgurances. Et dit son apaisement, face au mal, à la mort. Celui qui a choisi le prénom de François en hommage au poverello d’Assise, confie ce qu’il a reçu du Christ : "Au sein de l’humanité, un jour, Quelqu’un a accompli le geste absolu, indépassable, le geste décisif qui a changé la nature et le sens de la Mort. En se laissant clouer sur la Croix, il a affronté le mal, non seulement le mal de ses bourreaux mais le Mal en soi, le Mal radical. Sa mort ouvre la Voie de la vie qui ne périra plus."
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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