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Un "tsunami" : les témoignages de victimes affluent auprès du collectif  Saint-Pierre Kerhuon

Un "tsunami" : les témoignages de victimes affluent auprès du collectif  Saint-Pierre Kerhuon

Un article rédigé par Océane Théard - RCF Bretagne, le 3 avril 2025 - Modifié le 3 avril 2025

Plus de 90 témoignages ont été recueillis à ce jour par le collectif "Saint Pierre- Kerhuon". Des souvenirs d'anciens élèves de ce collège finistérien, qui courent de 1965 aux années 90, et qui font état de violences physiques et psychologiques de la part de certains enseignants. 

"La force des victimes, c'est de pouvoir se regrouper en collectif", assure Jean-Pierre Fourny. © Carol Highsmith's America sur Unsplash"La force des victimes, c'est de pouvoir se regrouper en collectif", assure Jean-Pierre Fourny. © Carol Highsmith's America sur Unsplash

"C'est dur à supporter, c'est un espèce de tsunami de souvenirs. Avec le temps, on se rappelle de quelques choses qu'on a vécues, mais on a parfois oublié des choses qu'on a vues, et on a vu des choses épouvantables." Depuis une dizaine de jours, la vie de Frédéric, retraité dans la région orléanaise, a basculé. Dans le sillage de l'affaire Bétharram, de la révélation de violences sexuelles et physiques subies par des élèves de cet établissement du Béarn, que Frédéric a fréquenté, des souvenirs sont remontés à la surface. 

"Je suis membre du collectif Bétharram depuis quelques temps, et l'un de mes camarades me dit qu'on a reçu un message d'un Breton. Il nous félicite, il nous encourage. Et, dans le message, il est fait mention de Saint-Pierre et du 'père L'. Là, je comprends que je connais bien cet endroit. Je prends contact avec cette personne, on sympathise et nous décidons de créer ce collectif 'Saint Pierre' du Relecq-Kerhuon." 

Même pendant les cours, des professeurs faisaient irruption dans les salles de classe et venaient chercher un élève pour le tabasser dans le couloir 

Un "climat de terreur"

Après son passage à Bétharram, Frédéric revient dans la région brestoise, il passe par Charles-de-Foucauld "où tout s'est bien passé". Puis il est scolarisé au sein du collège Saint-Pierre, au milieu des années 70, où il restera de sa 5e à sa 3e. 

De son passage dans l'institution bretonne, il garde le souvenir "d'un climat de terreur". Frédéric décrit une violence "systémique, où tous les professeurs cognaient, tapaient, brutalisaient, insultaient, humiliaient les élèves. C'était à n'importe quel moment. C'était dans la cour de récréation, pendant les cours. On avait des professeurs qui faisaient irruption dans les salles de classe, qui venaient chercher un élève pour le tabasser dans le couloir parce qu'il avait fait un mauvais travail", se souvient le retraité

Ces souvenirs violents, Stéphane les avaient mis de côté pendant des années. Ils lui sont revenus en mémoire lorsqu'il tombe sur un appel à témoignages d'un journaliste sur Facebook. Lui est arrivé quelques années après Frédéric au collège Saint-Pierre, où il étudie de 1983 à 1986. "On était alignés le long du mur, et quand on avait moins de 8 sur 20, on se prenait des grosses baffes." 

Stéphane évoque également des violences entre élèves, "des loups". "Je n'ai pas vécu une maltraitance horrible, il ne faut pas forcer le trait, mais ce que j'ai vécu n'est pas normal." Il a scolarisé deux de ses filles dans un établissement catholique, mais note une "hypervigilance" particulière. "On a fait la visite du collège plusieurs fois, on a rencontré plusieurs fois le directeur, plusieurs fois les profs, on a vu dans quel cadre on arrivait", raconte-t-il.  

Il faut qu'il y ait une réaction qui soit forte
et qui puisse apaiser nos souffrances.

Près d'une centaine de témoignages  

En une dizaine de jours d'existence, le collectif Saint-Pierre Kerhuon a déjà rassemblé près d'une centaine de victimes. "On reçoit tous ces témoignages de personnes qui ont aujourd'hui entre 55 et 70 ans et quand ils replongent dans ces souvenirs, ils ont à nouveau 14 ou 15 ans, parfois plus, parfois moins (...). Les gens ont besoin de sortir ces souvenirs de leurs mémoires, ils ont passé des décennies à vivre avec. On est en mesure de se comprendre et de se réparer les uns les autres." 

Le pouvoir réparateur du collectif et de la parole est essentiel pour Jean-Pierre Fourny. Lui a été victime du frère Gabriel Girard, qui était alors son instituteur. Il est aujourd'hui administrateur de l’Association pour la mémoire et la prévention des abus sexuels dans l’église de l’Ouest (Ampaseo). "La force des victimes, c'est de pouvoir se regrouper en collectif dans un premier temps, voire de se rejoindre en association, et faire passer la honte dans l'autre camp." 

Un désir de justice malgré la prescription des faits

Il milite pour la création d'un collectif national, qui pourrait permettre de représenter à une plus large échelle les victimes de violences et d’abus sexuels dans les instituts religieux et l’enseignement catholique. Comment se réparer, quelle suite donner à l'afflux de témoignages ? "Ce qu'on demande, c'est qu'on reconnaisse notre statut de victime", explique Frédéric. "Et puis qu'il y ait des poursuites, même si c'est compliqué parce qu'il y a prescription, mais on va quand même déposer plainte."

Il faut qu'il y ait une réaction qui soit forte et qui puisse apaiser nos souffrances 

Mais aussi des plaintes contre les professeurs impliqués, contre l'Église et contre l'État "car ces écoles étaient sous contrat", précise-t-il. "Je ne peux pas imaginer que l'académie ait été incapable de savoir ce qu'il s'y passait, ça n'a pas de sens", poursuit Frédéric. "Il faut qu'il y ait une réaction qui soit forte et qui puisse apaiser nos souffrances". 

L'actuelle directrice du collège Saint-Jean-de-la-Croix, nouveau nom du collège Saint-Jean au Relecq-Kerhuon, a déclaré dans un communiqué fin février "qu'aujourd'hui le collège Saint-Jean est un établissement moderne, ancré dans son territoire, qui accompagne ses élèves avec exigence et bienveillance." De son côté, à nos confrères d'Ici Breizh Izel, le directeur diocésain de l'Enseignement catholique du Finistère a condamné "toute forme de violence qui a pu avoir lieu à l'époque". Il dit également souhaiter un dialogue "entre les victimes et la Commission sur les violences sur mineurs".

À la suite des témoignages des victimes de Bétharram, une conférence de presse s'est tenue ce jeudi 13 mars, en présence de L'évêque de Bayonne, Mgr Marc Aillet, du prêtre Laurent Bacho et de Vincent Destais, directeur diocésain de l’enseignement catholique des Pyrénées-Atlantiques. L'évêque a dénoncé la "voix de l'omerta de l'Église", et reconnaît "qu'on savait des choses et on les cachait, mais pas que dans l'Église".

L'évêque explique toutefois que l'Église "n'est pas restée inactive depuis 25 ans". "Depuis 2016, une cellule d'écoute a été mise en place dans le diocèse et deux signalements ont été portés à la connaissance des procureurs de la République de Pau et de Bayonne", souligne Mgr Marc Aillet. Il précise qu'un "protocole de protection des jeunes" a également été mis en place.

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