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Pour bien comprendre la percée de l'extrême-droite en Allemagne

Pour bien comprendre la percée de l'extrême-droite en Allemagne

Un article rédigé par AdN - RCF, le 14 février 2025 - Modifié le 14 février 2025
Pour bien comprendrePour bien comprendre la percée de l'extrême-droite en Allemagne

Le climat politique se tend à l’approche des élections législatives du 23 février 2025… La semaine passée, la CDU/CSU a voté avec l’AfD (Alternative für Deutschland / Alternative pour l’Allemagne), une motion pour faire voter une loi sur l’immigration. « Ce cordon sanitaire » de l’après-guerre a sauté. Même pour une motion sans alignement juridique immédiat, des manifestants, par centaine de milliers, ont appelé à résister au rapprochement amorcé entre la droite et l'extrême droite allemandes qui ne procède pas d’un recentrage de l’AFD. Elisa Goudin, normalienne spécialiste de l'Allemagne contemporaine, maîtresse de conférences à Paris 3, revient sur cette manœuvre électorale de récupération de voix par Friedrich Merch, exploitation pionnière de la radicalisation d’une partie des chrétiens démocrates en Europe. Et qui ne passe pas.

Le 23 février prochain auront lieu les élections législatives en Allemagne. Crédits : Marco Verch/Hans LucasLe 23 février prochain auront lieu les élections législatives en Allemagne. Crédits : Marco Verch/Hans Lucas

Selon Elisa Goudin, spécialiste de l’Allemagne contemporaine : l’AFD est « un parti qui est vraiment très très radicalisé : qui utilise des symboles issus de la période nazie régulièrement, et reprend des slogans en les modifiant un tout petit peu ». Un parti avec plusieurs leaders certes, faisant ouvertement l'apologie du nazisme. 

Une ligne rouge franchie dans le système d’après-guerre allemand

Ce rapprochement, à cause de la ligne de conduite du parti CDU/CSU qui s’interdisait de voter ensemble avec l’AFD, est historique dans le système d’après-guerre. Qui plus est sur des sujets lourds et vecteurs de valeurs comme l’immigration, ce qui le rend potentiellement significatif. À court terme, Elisa Goudin nuance ce rapprochement pour se focaliser sur ce qui pour elle une manœuvre électorale, pour l’instant ponctuelle, pour répondre au processus, davantage latent, d’une extrémisation d’une partie des chrétiens démocrates : « un essai de la part du leader chrétien démocrate, de Friedrich Merz, d'essayer de, au dernier moment de la campagne, de récupérer des voix de l'AFD. Ça ne veut pas dire que le parti tout entier, que tous les militants se radicalisent. ». À plus long terme, « l'expérience montre, par exemple en France, c'est plutôt l'extrême droite que ça renforce quand on essaie d'aller sur ses thématiques », avertit la spécialiste.

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Le renforcement du parti d’extrême-droite AFD, reflet de l'extrêmisation de la société

Selon la spécialiste, l'AFD « reste un parti ostracisé et sans réelle perspective de cogestion du pouvoir au niveau des Lander ou au niveau fédéral. Pour le moment en tout cas. Parce que les sondages indiquent une progression du parti ». L’exemple de l’Autriche montre que les barrières des conservateurs sont en train de lever pour des entrées certaines au gouvernement en coalition. Il s’agit donc d’une conduite du changement par les partis à surveiller. Concernant le comportement de la CDU/CSU, « Friedrich Merz lui-même l'a redit, a dit que ça n'est pas... Je n'ai pas brisé le cordon sanitaire. Je ne travaillerai pas avec l'AFD, ni maintenant, ni après les élections. Donc je ne vois pas du tout l'AFD arriver au pouvoir, là, à court terme. À moyen terme, dans 4, 5, 10 ans, c'est tout à fait autre chose, oui. ». 

À l'échelle internationale, au Parlement européen, même le groupe du Rassemblement national l'a exclu pour sa radicalité : il y a maintenant deux groupes à l'extrême droite. À l'échelle nationale, reste « tabou pour une grande majorité des Allemands » pour la maîtresse de conférence, même si un Allemand sur cinq vote pour l’AfD, et à l'Est encore plus. 

Une banalisation des sujets de l’AfD mais un programme encore inadapté pour le pouvoir

Cependant il existe une banalisation du cadrage des sujets par l’AfD, puisque  « des mots comme « rémigration » ne sont plus tabous, ils les emploient maintenant sans aucun, ce qui est un mot nazi. ». Le projet de « rémigration » de l’AfD concerne y compris ceux qui sont devenus allemands entre-temps : « complètement irréaliste, en tout cas qui mettrait en danger le marché du travail allemand. On sait que la natalité étant très faible en Allemagne, on a absolument besoin de la main-d'œuvre étrangère.» pour la maîtresse de conférence. L’AfD prône également un retour sur certaines mesures écologiques qui avaient été prises, justifié par un programme d’économies. 

En somme pour Elisa Goudin, « ce n'est pas la CDU qui a voté avec l'AfD, c'est l'AfD qui a voté avec la CDU qui avait proposé quelque chose. Et donc, on ne peut pas en déduire qu'ils vont maintenant travailler ensemble. (…) Et pour l'instant, personne ne veut faire de coalition avec ce parti-là. ». Le 23 février 2025, jour des élections fédérales en Allemagne, l'AfD « va marquer des points. Elle a des bons résultats dans les sondages. Elle va avoir environ 150 députés (environ 25% des sièges au Bundestag), ce qui est beaucoup plus qu'actuellement. Mais par contre, sans arriver au pouvoir.» 

Même sans minorité de blocage, au-delà de l'argent public qui va lui être versé, au prorata du nombre de députés, cela peut en avoir les effets car « le simple fait qu'il y ait autant de députés avec lesquels personne ne veut faire de coalition, ça crée déjà un blocage, parce qu'il faut quand même trouver 50%. Il faut quand même trouver une coalition quelque part, et il n'y aura pas énormément d'options possibles pour la CDU ». La banalisation de leurs traitements thématiques leur permet « d’infléchir vraiment encore le cours politique du pays. De toute façon, ils vont perturber les choses » politiquement. Rendez-vous le 23 février 2025.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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