Près de huit Français sur dix (78%) jugent la situation institutionnelle actuelle "grave", manifestant une défiance de plus en plus importante envers la politique et ses acteurs, selon le baromètre annuel du Cevipof sur la confiance politique. Après la dissolution de l'Assemblée nationale en juin qui n'a pas permis de dégager une majorité et la censure en décembre du gouvernement Barnier, seul un tiers des Français juge légitime le gouvernement actuel qui allie le bloc central et la droite LR. En cause notamment un décalage entre le peuple et les politiques. Eclairages avec Stéphane Rozès, politologue et ancien sondeur de la vie politique.
Les Français n’ont plus confiance dans les institutions. Après plusieurs mois de désordre politique, qui a mis à mal le fonctionnement des institutions républicaines, la situation semble presque revenue à la normale, avec un gouvernement Bayrou qui est parvenu à boucler les budgets de l’année 2025. Pourtant le sondage réalisé par le Cevipof et paru dans le monde faisant état de la défiance des français pour la politique montre que le peuple ne prend pas acte de la stabilité retrouvée. Cela ne surprend pas Stéphane Rozès, politologue et ancien directeur de l’Institut CSA. Le sondeur fait état d’un divorce entre les Français et ceux qui les représentent.
Pour Stéphane Rozès, le sondage du Cevipof vient confirmer une tendance “qui vient de loin”. D’après l’étude, 74% des français n’ont pas confiance en la politique : c’est 4% de plus que l’année dernière. Le constat est aussi très éclairant sur la perception de la corruption. 74% des personnes interrogées estiment que les politiques sont corrompus : 6 points de plus qu’en 2024. Le sentiment populaire d’une politique distante n’a jamais été aussi fort. “Le divorce est consommé” synthétise Stéphane Rozès.
En cause pour le politologue, une “inadéquation entre la représentation nationale et les débats qui sortent de l’Assemblée”. Les élections législatives tenues après la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron à l’été 2024 ont élu une assemblée divisée, avec une majorité pour le Nouveau Front Populaire. La coalition de gauche menée par LFI détient actuellement 180 sièges au Palais Bourbon. Toutefois un sondage de l’IFOP, cité par Stéphane Rozès, montre que, à l’heure actuelle, LFI n’aurait que 8% d’intention de vote. Les candidatures unitaires et les stratégies politiques ont, pour le politologue, “masqué l’opinion”, désormais révélé par les sondages.
Pour Stéphane Rozès, le président de la République Emmanuel Macron est lui-même partie intégrante du désaveu du politique par les français. L’ancien directeur de l’Institut CSA le décrit. “Il est intelligent, mais son intelligence est une intelligence théorique, abstraite. Il a un problème d'enracinement, de compréhension profonde du peuple. Donc, comme il est facile, il est intelligent, il est substantiel, on peut parler avec lui de Jeanne d'Arc, de Jaurès, de Péguy, de Paul Ricoeur mais ça fait un problème profond de compréhension des peuples en général, et du peuple français en particulier.” Pour le politologue, Emmanuel Macron est donc hors sol, voire même méfiant. “Tout montre dans l’attitude d’Emmanuel Macron une défiance à l’égard du peuple français”.
Tout montre dans l’attitude d’Emmanuel Macron une défiance à l’égard du peuple français.
À Emmanuel Macron, Stéphane Rozès oppose Donald Trump. Selon le politologue, le milliardaire américain a lui une bonne compréhension des Américains, de leur imaginaire et de leurs attentes. “Si Trump l'a emporté, c'est qu'il a compris qu'il fallait en revenir à l'imaginaire américain messianique.” Le président américain réélu mise sur des références communes, simples, pour rassembler autant que faire se peut. On se souvient du poing levé de Donald Trump après une tentative d’assassinat. Le milliardaire, oreille ensanglantée, ceinturé de gardes du corps, use alors d’un symbole clair et compréhensible par tous. À l’inverse, Stéphane Rozès décrit un Emmanuel Macron plastique. “Il a un problème de cohérence, d'alignement, et sa théorisation sur le « en même temps » n'est qu'une objectivation d'une personnalité profonde, d'un monde intérieur qui est scindé.”
Le sondage du CEVIPOF sur la confiance des français dans la classe politique ne se limite pas au constat amer. 73% des personnes interrogées souhaitent "un vrai chef en France pour remettre de l'ordre". De quoi donner du grain à moudre à la classe politique, qui se prépare déjà à 2027.
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