Jeudi le pape François arrivera en Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’une des grandes étapes de son voyage de 12 jours en Océanie, le plus long et le plus lointain depuis le début de son pontificat en 2013. La grande île a pour capitale Port Moresby. Ce pays a beau être aux périphéries, il a un lien ténu avec la France, en particulier avec les Missionnaires du Sacré-Cœur pour la France et la Suisse (MSC), fondés à Issoudun (Indre) par le père Jules Chevalier (1824-1907). Et ce lien perdure à travers l’amitié et la reconnaissance des catholiques papous.
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, la toponymie rappelle la présence européenne, à l’image de l’île Bougainville découverte par Louis-Antoine de Bougainville (1729-1811) ou de l’archipel Bismarck, héritage de l’empire allemand. Ces noms, s’ils évoquent l’époque coloniale, ne disent rien sur la profondeur des liens noués par les missionnaires français. C’est là que le propos de Mgr Rochus Tatamaï, archevêque de Rabaul, mérite d’être connu.
Mgr Tatamaï est le petit-neveu du bienheureux Peter ToRot, catéchiste mort en prison empoisonné par l’occupant japonais en 1945. Il est lui-même missionnaire du Sacré-Cœur. En mars 2004, lors de 150 ans de la congrégation, Mgr Tatamaï vient témoigner à Issoudun, quelques mois avant que Benoît XVI l’élève à l’épiscopat.
La lettre qu’il lut à l’époque résonne encore dans le cœur du père Daniel Auguié, provincial des Missionnaires du Sacré-Cœur. Invité en Grand témoin, il en lut des extraits à l’antenne.
Il remercie "le Seigneur (…) pour la générosité et le service de tant de bienfaiteurs venus d'Europe, d'Amérique et d'Australie". Il rend grâce pour "la stratégie de la mission, basée sur l'étude des langues et de la vie des gens, sur des relations réelles et humaines". Il souligne "le grand investissement dans l'éducation, en vue de former des familles vraiment chrétiennes", l’idée des missionnaires étant de "former ce peuple pour qu'il soit indépendant et auto-suffisant". Mgr Tatamaï cite les instituts éducatifs pour former des catéchistes, des maîtres d'école et des agriculteurs. Il vante aussi l'inculturation de la liturgie, "grâce aux Pères Cramaille, Vatan et Gaillard, qui ont composé des "malagege", c'est-à-dire des chants et des danses liturgiques, instruments de catéchèse"
L’hommage de Mgr Tatamaï prend ensuite une forme plus solennelle. Il énonce point par point les qualités déployées par les Missionnaires du Sacré-Cœur, leur intelligence, leur délicatesse, leurs œuvres concrètes dans la vie des gens. Cette litanie montre que les religieux arrivés en terre inconnue n’ont ni opprimé ni aliéné les Papous mais qu’ils les ont respectés, aimés et aussi délivrés de certaines pratiques mortifères. Chose importante : il emploie le "nous", se fait le porte-parole d’un point de vue communément admis et partagé :
"Comme Missionnaires du Sacré-Cœur, vous nous avez aidés à nous respecter et à nous aimer les uns les autres, surtout à aimer nos ennemis traditionnels. Vous nous avez présenté 1 l'enseignement de Jésus Christ, la Bonne Nouvelle. Vous nous avez baptisés dans le Corps du Christ.
Comme linguistes, vous, avez appris et vous avez parlé nos langues. Vous (avez écrit nos dictionnaires)
Comme diplomates, vous avez négocié avec l'autorité civile pour nous. Vous nous avez instruits à propos des droits humains et de la liberté religieuse.
Comme médiateurs, vous avez réconcilié des tribus en guerre. Vous avez promu d'autres valeurs culturelles comme l'échange mutuel pour arriver à la réconciliation. Vous vous êtes opposés avec courage à la loi traditionnelle de la vengeance. Vous avez gagné la confiance et le respect de nos gens
Comme bâtisseurs, vous avez construit nos églises, nos écoles, nos cliniques, nos chemins, nos ponts et nos ports.
Comme éducateurs, vous nous avez enseigné à lire et à écrire.
Comme anthropologues, vous avez étudié nos structures sociales et vous avez examiné notre vision mélanésienne du monde. Vous utilisez nos chants et nos danses pour exprimer notre foi dans la liturgie et la célébration des sacrements.
Comme mystiques, vous avez étudié nos croyances religieuses et nos rites d'initiation. Vous avez exploré notre espace et nos temps sacrés. Nous vous reconnaissons comme des hommes spirituels, des hommes de prière, des hommes de Dieu.
Comme experts en agriculture, vous nous avez enseigné de nouvelles façons de cultiver la terre et de produire des récoltes.
Comme médecins, vous nous avez guéris avec vos "miracles" quand vous nous avez donné vos médicaments et votre science.
Et comme Missionnaires du Sacré-Cœur, vous nous avez donné un Dieu d'amour, qui nous comble d'espérance."
Vous, c'est toute cette province religieuse de France/Suisse qui a toujours fait de mon pays une priorité dans le service de la mission, avec tous les Pères et Frères déjà décédés, souvent très jeunes, qui ont donné ainsi leur vie pour nous.
À vous tous, un grand MERCI et au Dieu que vous avez représenté, gloire et louange éternellement"
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