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François à Marseille: "L’Église ne doit pas être une douane"

François à Marseille: "L’Église ne doit pas être une douane"

Un article rédigé par Louis Daufresne - RND, le 24 septembre 2023 - Modifié le 24 septembre 2023
"L’Église ne doit pas être une douane" : c’est la phrase du pape François que nous avons choisi de mettre en exergue. Elle ne figurait pas dans son discours. Il l’a prononcée comme on décoche une flèche, afin de taper la cible de notre esprit. L’enjeu ? "Élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques"
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"L’Église ne doit pas être une douane" : c’est la phrase du pape François que nous avons choisi de mettre en exergue. Elle ne figurait pas dans son discours. Il l’a prononcée comme on décoche une flèche, afin de taper la cible de notre esprit. 

L’enjeu ? "Élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles." La Méditerranée aux cinq rives en est le théâtre : il faut y voir "cette mer pérenne de Galilée [qui] invite à opposer la "convivialité des différences" à la division des conflits". L’emblème de tout ça ? Marseille la "composite et cosmopolite", "ville à la fois plurielle et singulière, car c’est sa pluralité, fruit de sa rencontre avec le monde, qui rend son histoire singulière". Le message ? L’altérité féconde ; l’identité stérilise, sauf si elle regarde au large. La mer, le port et le phare sont les trois lieux dont il détaille la portée symbolique, qu’il relie au thème dominant de son pontificat : la migration. Migration des hommes, migration de l’Église. Rien n’est plus étranger à ce pape que la fixité – qu’il distingue absolument de la fidélité à la tradition.

S’il appelle à une "responsabilité européenne" pour assurer "un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable", François ne se limite pas à cette dimension pragmatique, certes essentielle. La migration est chez lui un paradigme évangélique. Elle s’étend au voyage que tout homme entreprend sur terre. Or si nous sommes tous migrants, si nous venons tous d’ailleurs, ne pas secourir les migrants renvoie au "naufrage de la civilisation", un terme dont François inverse l’usage : la civilisation, comme les vieilles pierres d’un château, n’est pas la marque déposée d’une Europe sûre de son histoire, voire nostalgique de sa puissance. On ne la défend pas du haut des remparts. Pour le pape, "nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés (…) ; nous sommes appelés au témoignage : non pas broder l’Évangile de paroles, mais lui donner de la chair ; non pas mesurer la visibilité, mais nous dépenser dans la gratuité." En fait, il importe peu que les chrétiens soient peu nombreux, et d’ailleurs il faut qu’ils cessent de se compter. Car ce qui importe, c’est de se dépenser sans compter. En acte, en vérité. François ajoute que "le véritable mal social n’est pas tant l’augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge", ce qui résulte du nombrilisme et de l’hédonisme contemporain. Se retirer du jeu n’est pas sans conséquence : cela se paie par la culture du déchet et du rejet qui cannibalise tous les étages de la société, de l’enfant à naître "rejetés au nom d’un faux droit au progrès" à la "mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer". Les migrants sont les victimes collatérales d’un indifférentisme généralisé qui focalise nos énergies sur nos petites vies et rien d’autre.

Si nous sommes tous migrants comme membres de la même famille humaine, comment accepter de les regarder mourir et de s’organiser sans le dire, via l’inaction de l’Europe, pour qu’ils n’atteignent pas nos côtes ? Cette "mondialisation de l’indifférence" – qui transforme "la Mare nostrum en Mare Mortuum" – est juste insupportable aux yeux du pape. Il ne comprend pas que des Européens repus et peureux, égoïstes et consuméristes jusqu’au « gaspillage », puissent faire comme le prêtre et le lévite de la parabole, c’est-à-dire passer leur chemin, détourner la tête comme s’ils n’avaient rien vu. Malheur à celui qui ne veut pas voir. François avertit, plus qu’il ne rassure, les âmes que la tentation du repli crispe et déroute vers "des nationalismes archaïques et belliqueux" voulant "faire disparaître le rêve de la communauté des nations". Vous pensez que nous sommes envahis ? Le pape répond : "Ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent hospitalité, ils cherchent la vie. Quant à l’urgence, le phénomène migratoire n’est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps", lequel va s’amplifier. Face à une telle fatalité, dont la démographie accroît la perspective de jour en jour, peut-on continuer à se mettre la tête dans le sable chaud des plages provençales ? Au lieu de vasouiller, les Européens sont enjoints d’appliquer une feuille de route que ce discours n’a pas exposée pour la première fois mais qu’il a rappelée avec insistance : "Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés." Répétons : accueil, protection, promotion, intégration. Ce ne sont pas les cinq piliers de l’islam, un mot qu’il s’est bien gardé de citer, mais les quatre piliers du pape François. Ceux-ci sous-tendent l’architecture d’un monde un rien idéaliste, utopique diront les grincheux, et que cette phrase exprime : "Dès l’enfance, "en se mélangeant" avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d’un enrichissement mutuel." Cette vision "multi-kulti" a un peu vécu. Les Européens l’ont tellement entendue, et sur un mode incantatoire, que le pape arrive un peu tard pour les convaincre, et surtout vaincre leur peur de disparaître.

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