Héritier du gaullisme, Georges Pompidou en témoigne pourtant la rupture. Intellectuel, homme d'affaires, il incarne la France insouciante des années 70. Nous lui devons la modernisation de l'économie et l'ouverture culturelle de la société française. La Vème République demeure mais la France et la politique ont changé.
Pascal Perrineau est politologue et prend goût pour la politique à l'âge de huit ans, en 1958, il avait dix-huit ans en mai 68. Invité du Grand Témoin, il est revenu sur les épisodes qui lui tiennent à cœur, tiré de son essai "Le goût de la politique - un observateur passionné de la Ve République".
Les début de la Vème République et plus particulièrement le mandat de Georges Pompidou coïncident avec la période des Trente Glorieuses, période prospère pour la France. En 1968, la croissance de la France est forte, le chômage y est quasiment inexistant, pourtant en mai de la même année, les grèves et les révoltent étudiantes traduisent un certain malaise d'une partie de la population. "J'ai 18 ans en mai 68, il y avait une partie de la jeunesse française, qu'elle soit de gauche ou de droite, qui ne se satisfaisait pas de biens matériels, qui ne se satisfaisait pas de la consommation comme projet de société. Il y avait une recherche, c'est vrai, confuse, parfois égarée vers les utopies révolutionnaires, mais il y avait la recherche d'une autre chose, Georges Pompidou et son Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, au travers du projet de nouvelle société, ont réussi à l'incarner." raconte Pascal Perrineau au micro de Louis Daufresne.
Après le passage de Charles de Gaulle (UDR), Georges Pompidou (UDR) et Valéry Giscard d'Estaing (UMP), la France élit pour la première fois depuis les débuts de la Vème République, un président issu du Parti socialiste, François Mitterrand. Pour Pascal Perrineau, c'est le constat "d'une gauche qui s'est reconstruite patiemment autour d'une figure charismatique, celle de François Mitterrand et qui a réussi à mettre en place l'alternance à partir de 1981...il y avait quelque chose d'extraordinaire, la Vème République dans les mains de son plus vieil ennemi, François Mitterrand, qui avait présenté souvent ces institutions comme étant un danger pour la France." Une figure socialiste charismatique qui n'a pas réussi à avoir d'héritier, ni Michel Rocard, ni Jacques Delors ne réussiront à incarner une figure du PS, "au fond, c'est peut-être le début du déclin du Parti socialiste. Il apparait comme une force politique qui n'est pas à la hauteur des défis sociaux et économiques tels qu'ils se posent dans une société qui devient peu à peu la société que nous connaissons aujourd'hui, une société post-industrielle." poursuit Pascal Perrineau.
Jean-Marie Le Pen, tête d'affiche du Front national durant de nombreuses années a laissé la place à sa fille Marine et à Jordan Bardella, actuel président du Rassemblement national, "il ne faut pas oublier qu'en 1974, qu'est l'élection qui voit Giscard d'Estaing élu, Jean-Marie Le Pen est candidat et fait moins de 1% des suffrages. Aujourd'hui, le Rassemblement national est au second tour de la présidentielle, au dessus de 40% des suffrages exprimés. Quelle dynamique, quel chemin parcouru !". Une tendance qui peut s'expliquer selon Pascal Perrineau : "c'est caricatural, le RN et sa force électorale aujourd'hui ne sont que la mesure du malaise réel que la France a en tant que nation vis-à-vis de la globalisation. Nous sommes maintenant, pour le meilleur et pour le pire, dans une économie ouverte, dans une société ouverte. L'Europe se construit, la globalisation politique est une réalité. On le voit avec les G7, G20, etc...La France est peut-être plus, que d'autres nations européennes, en difficulté avec ce monde ouvert."
Aujourd'hui, de plus en plus de mouvements comme le wokisme voient le jour. Pour Pascal Perrineau, ils favorisent l'hostilité vis-à-vis de la notion de citoyenneté. Cette perte déclenche de facto une baisse du goût pour la politique, "le wokisme dans la réalité, c'est assez sinistre. Cela crée une société de toutes les méfiances. Vous ne pouvez pas faire société de cette manière. Le goût de la politique disparait de lui-même à ce moment-là, il faut, que les jeunes et moins jeunes, comprennent l'ambition de la citoyenneté, c'est-à-dire de s'arracher de nos conditions particulières, pour se projeter dans un espace public et définir en commun notre manière de vivre ensemble."
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