70 ans... 70 ans qu'un cri du cœur est venu rompre le silence assourdissant des politiques et faire vibrer les poitrines françaises grâce aux ondes hertziennes. 70 ans que l'abbé Pierre a donné vie aux maux en faisant raisonner son discours, sa voix, aujourd'hui ancrés dans notre culture et dans notre identité collective. A la genèse de cet appel, il y a l'histoire d'une femme. Une femme poussée à la rue, comme tant d'autres, survit au milieu des badauds et des véhicules parisiens jusqu'à cette nuit du 1er février 1954 où, au détour de la rue Sébastopol, le froid la tue. C'est le décès de trop pour l'abbé Pierre qui, poussé par un journaliste, griffonne quelques phrases sur une feuille pour prendre le micro et parler au cœur de tous afin de lancer, en chœur, "l'épidémie de la bonté".
L'histoire nous l'a appris, malheureusement bien trop souvent, il faut souvent un élément déclencheur pour diriger la lumière sur une cause. Dans le cas présent, c'est le décès de cette anonyme, expulsée peu de temps avant. L'appel de l'abbé Pierre a raisonné, a secoué l'opinion publique et fait se muer des badauds en sauveurs, des anonymes en bienfaiteurs. Un discours qui a permis au gens de se rendre compte que l'union fait la force et que l'addition de bonne volonté constitue un torrent de bienveillance. Car si l'on se souvient de cet appel lancé à l'aube du mois de février, ce n'était pas le premier de l'abbé Pierre. Il avait tout d'abord tenté de faire entendre la voix des sans voix par des biais plus conventionnels. Courriers adressés aux ministres de l'époque, poussant ces derniers à présenter des amendements comme le fit Léo Hamon en demandant le prélèvement d'un milliard de francs pour l'édification de cités pour les plus démunis. Amendement rejeté après 3 jours de débat. Le fondateur d'Emmaüs publie des lettres ouvertes, dans le Figaro notamment en janvier 1954.
Un mois à écrire à la planète France pour faire bouger les lenteurs administratives et bousculer le système. Un mois, pour que la moutarde monte au nez du curé des pauvres qui, finalement fasse à l'insupportable, n'a pas eu d'autre choix que de prendre le micro pour narrer l'inénarrable.
"Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s'accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l'on lise sous ce titre "Centre fraternel de dépannage", ces simples mots : "Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprend espoir. Ici, on t'aime !", a-t-il lancé lors de son appel. Ce cri du cœur, comme le chant d'un coq, entonné pour réveiller les Français de 54. Cet appel de l'abbé Pierre pour secouer toute une population et rappeler la devise de notre pays : "Liberté, Egalité, Fraternité", devise qui sera finalement inscrite dans la constitution en 1958. Depuis, ces trois mots riches de sens et d'espoir ont été placardés sur toutes nos institutions, inscrites sur nos papiers d'identité, et même sur les maillots de certaines de nos équipes de France, comme un rappel peut-être de cet hiver 1954. 70 ans après, la détresse de l'abbé Pierre sur Radio Luxembourg et l'élan de générosité n'ont pas pris une ride, la pauvreté en France reste un marronnier dans les journaux.Mes amis, au secours... "", 70 ans après, que reste-t-il ?
Réécoutez l'intégralité de l'émission Ecoute dans la nuit - Hiver 54 : 70 ans de l'appel de l'abbé Pierre sur Youtube et en podcast sur RadioNotreDame.com
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