Au matin du 22 mars 2016, Janet Winston-Young se rend à l’aéroport de Bruxelles avec son mari Fred. Ce dernier s’apprête à monter dans un avion direction Atlanta, dans le cadre de son travail. Le couple se trouve dans une file d’attente lorsque un "clac" « et non pas un boom » retentit. Une bombe vient d’être déclenchée par un kamikaze à quatre mètres de Janet et de son époux qui sont projetés à terre. "Nous nous sommes évanouis instantanément, puis je suis un petit peu revenue à moi lorsque j’ai entendu un boom plus loin. C’était la deuxième bombe" . A ce moment précis, Janet se pense proche de la fin : "Je me suis dis que j’étais en train de mourir et pourtant j’étais bien, paisible" . Pour Janet, ce moment est cerné par quelque chose de spirituel qu’elle peine encore à définir, elle qui a reçu une éducation chrétienne mais qui se rendait à l’église "plus pour jouer au ping-pong que pour prier".
Il faut dire que la mère de famille semblait davantage sensible aux signes et pensées prémonitoires quelques semaines avant le drame. "Je ne suis pas d’un naturel très anxieux ou qui craint l’avenir mais quelques mois avant les attentats, j’allais au lit en me demandant" et si quelque chose arrivait à Fred« . Le matin des attentats, "35 minutes avant que la bombe n’explose" , elle se surprend à prononcer une prière pour se protéger, elle et les siens, là où ils sont. Une demi-heure plus tard, la bombe explose et fait un carnage (18 morts au total). Pourtant, Janet et Fred s’en sortent. N’est-ce qu’une question triviale de "loterie" ? Peut-être. "Quand une bombe explose, ce n’est pas de façon égale, certaines personnes sont touchées, d’autres pas", affirme-t-elle fataliste. Est-ce une question de bonté divine ? Peut-être aussi. "Je crois que Dieu avait décidé qu’on devait être encore là", admet-elle. Pour Janet, toutes les questions restent ouvertes. Une chose est sûre, l’événement a renforcé sa foi et l’a "poussé à faire le pari de Dieu".
Quand son mari la retrouve à terre, tous deux parviennent malgré leurs blessures, à se diriger vers la sortie de l’aéroport ensanglanté. Dans cette vision d’horreur des corps abîmés, Janet garde une pensée pour un passage de la Bible qui fait notamment référence à un verset de la Genèse : "Le cœur de l’homme est porté par le Mal". "Quand on se trouve au cœur du mal, on se rend compte que la Bible est d’un réalisme. Ce réalisme m’a aidé, au moins j’avais une explication", résume-t-elle.
Si hier les attentats nous ont rappelé la proximité de la mort, la pandémie nous détourne une fois encore des tracas quotidiens pour nous recentrer sur des questions existentielles que l’on fuit habituellement : "Ce qui m’a le plus frappé après les attentats, c’est la manière dont les gens étaient ouverts à parler de ces choses-là. Alors que d’habitude, personne ne parle de l’essentiel". Là seule différence avec le contexte actuel, c’est qu’à l’époque nous pouvions en parler librement, sans barrière et gestes barrières. "Je pense que maintenant, on est tous enfermés avec la pandémie, et ça tourne dans la tête et dans le cœur. On a tous besoin de parler de questions fondamentales".
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