Première banque régionale du département de la Haute-Loire, le Crédit Agricole est un acteur important de l'économie locale. A l'occasion de la publication de ses résultats 2024, Gaëlle Regnard répond aux questions de RCF Haute-Loire. La Directrice Générale de la banque fait le point sur les grands indicateurs économiques du territoire et sur la stratégie de l'entreprise.
L’année 2024 a été difficile pour une partie des Altiligériens, marquée par une forte instabilité politique, un ralentissement économique et des aléas climatiques importants. Pourtant, dans ce contexte, le Crédit Agricole voit son résultat progresser. Comment l’expliquez-vous ?
Gaëlle Regnard : Effectivement, notre résultat annuel progresse légèrement, avec une hausse de 2,4 % par rapport à l’année précédente. Le résultat d’une banque dépend de plusieurs facteurs : notre activité, le coût du risque, nos charges, et les revenus générés par nos investissements en fonds propres, que ce soit localement ou au sein du Groupe Crédit Agricole. Cette année, ce sont particulièrement ces investissements qui ont progressé. Parallèlement, 2024 a été marquée par une hausse de nos charges, qui reflète notre engagement envers le territoire et nos clients.
Vos charges progressent de 6 %, atteignant 175 millions d’euros en 2024, alors qu’elles étaient en recul l’année précédente. Que s’est-il passé ?
En 2023, nos charges avaient diminué en raison d’un événement exceptionnel, ce qui ne constituait pas une situation représentative. Bien que nous nous efforcions de les maîtriser, comme toute entreprise bien gérée, nous avons l’ambition d’investir pour nos clients et le territoire. C’est pourquoi l’augmentation de nos charges concerne principalement l’informatique et le digital – pour améliorer continuellement nos services – ainsi que les ressources humaines, afin de renforcer les compétences de nos équipes et les moyens mis à leur disposition pour conseiller au mieux nos clients.
L’année 2023 avait été marquée par une forte baisse des projets financés par le Crédit Agricole Loire Haute-Loire. L’année 2024 a-t-elle été plus dynamique ?
En 2023, la baisse des projets financés était due à une diminution globale des projets ! Nous n’avons pas restreint notre financement de l’économie et avons répondu aux demandes de nos clients. Simplement, il y a eu moins de demandes en raison des taux élevés, ce qui a entraîné le report de nombreux projets. En 2024, l’environnement est resté contraint, avec des taux qui ont commencé à baisser, mais sans que cela se traduise toujours par une concrétisation des projets. Nous constatons à nouveau un retrait de 13 % sur les financements. Si je me concentre sur le crédit habitat, nous avons une baisse de près de 20 % des projets présentés par nos clients. Néanmoins, il y a une lueur d’espoir : la tendance est très différente entre le début et la fin de l’année 2024. Nous avons vu davantage de projets arriver dans nos agences en fin d’année, que ce soit pour du financement habitat ou pour des projets d’entreprises.
Le secteur du bâtiment est un maillon essentiel de l’économie locale. Comment le Crédit Agricole Loire Haute-Loire s’engage-t-il pour le soutenir dans cette période difficile ?
Tout d’abord, nous nous tenons à la disposition de nos clients pour les accompagner au mieux dans leurs projets de financement. Pour cela, nous disposons de 54 conseillers spécialisés en habitat et rénovation énergétique, présents dans nos agences locales et disponibles en ligne. Ensuite, pour développer l’offre de logements sur les départements de la Loire et de la Haute-Loire, nous avons créé il y a trois ans une foncière. Cette structure investit dans des ensembles immobiliers afin de proposer une offre de logements sur le territoire, que ce soit en rénovation ou en vente en état futur d’achèvement. En deux ans, nous avons réalisé 11 programmes, soit 285 logements. En Haute-Loire, nous avons notamment investi à Brioude dans la rénovation de 9 logements, ainsi qu’au Puy-en-Velay, à Espaly et à Chadrac.
De nombreux chefs d’entreprise se montrent inquiets face à l’instabilité politique et pessimistes quant à l’avenir. Comment voyez-vous l'année 2025 mais aussi 2026, qui semble susciter encore plus d’inquiétudes ?
Il y a deux aspects à considérer. D’abord, l’évolution de l’environnement économique reste contrainte, et nous sommes tous très attentifs aux événements récents, notamment les élections américaines et l’écart de dynamique économique entre les États-Unis et l’Europe. Cela suscite des interrogations chez nos clients chefs d’entreprise et rend difficile la projection dans l’avenir. Cependant, nos échanges avec les clients et l’analyse des projets qui nous sont soumis incitent à rester positifs. Pour 2026, il est plus difficile de se projeter. Nous continuons de dialoguer avec nos clients pour travailler sur leurs plans d’investissement et restons mobilisés pour accompagner les projets liés à la compétitivité des entreprises et à la décarbonation.
"Nous avons de bonnes raisons de ne pas sombrer dans un pessimisme excessif"
Ne faut-il pas éviter de céder à la morosité ambiante ?
Je crois que nous avons de bonnes raisons de ne pas sombrer dans un pessimisme excessif. Nous sommes au cœur d’une région dynamique, au sein d’un bassin industriel porteur. Les nombreux savoir-faire présents dans les départements de la Loire et de la Haute-Loire nous donnent des raisons d’espérer que nous pouvons contribuer à développer la souveraineté alimentaire et, plus largement, la souveraineté de la France. Nous rencontrons des chefs d’entreprise constructifs et optimistes quant à l’avenir, et je reste confiante quant à l’avenir de nos départements.
Malgré tout, la prudence reste de mise chez les Altiligériens, qui continuent d’épargner massivement…
Oui, ils continuent d’épargner, avec une augmentation des encours d’assurance-vie et une hausse de la collecte bilan, qui dépasse les 11 milliards d’euros pour notre banque, en augmentation de 0,4 % en 2024. Je rappelle que l’épargne est le premier moyen de financement de l’économie locale, car notre rôle est de collecter l’épargne pour la prêter sur le territoire.
Le gouvernement compte sur la consommation des ménages pour relancer l’économie française et la croissance. Sentez-vous vos clients prêts à cela ?
Je ne suis pas une prévisionniste, mais je peux observer les tendances actuelles. Ces derniers mois, nos clients ont plutôt eu tendance à épargner. Si l’on regarde les crédits à la consommation, ils ont diminué de 17 % en 2024. On peut cependant espérer qu’avec la baisse des taux initiée par la Banque Centrale Européenne, la visibilité s’améliorera pour nos clients et que les crédits immobiliers repartiront à la hausse. Cela entraînera mécaniquement de la consommation, notamment pour des travaux de rénovation énergétique ou d’autres projets.
Gaëlle Regnard, parlons maintenant de l’organisation de votre banque. Vous avez mis en place une offre de conseillers plus spécialisés, avec par exemple des conseillers dédiés aux professionnels de santé. Cette stratégie est-elle efficace ?
Outre les conseillers habitat, nous avons également des conseillers professionnels pour les entreprises et des conseillers Agri. Les conseillers dédiés aux professionnels de santé sont un bon exemple, car cette spécialisation est assez récente chez nous, puisqu’elle date d’il y a seulement deux ans. Nous avons 11 conseillers spécialisés répartis sur le territoire, ainsi qu’un pôle santé situé à Saint-Étienne, près du CHU. Je peux vous dire que nous détenons désormais 30 % de parts de marché sur les professions libérales de santé et que nous avons ouvert 72 % de comptes en plus en 2024 par rapport à l’année précédente. Nous attirons donc ces professionnels de santé de manière beaucoup plus significative qu’auparavant.
Si le territoire réussit, nous réussissons !
Cette spécialisation des conseillers remet-elle en cause la proximité qui a fait le succès du Crédit Agricole Loire Haute-Loire par le passé ?
Non, car les deux sont complémentaires. Nous faisons tout notre possible pour répondre au mieux aux besoins de nos clients et continuons de construire un modèle de banque unique, qui repose sur trois axes : le digital, où nous voulons être au meilleur niveau ; l’humain, avec des conseillers qui apportent les meilleurs conseils à nos clients, y compris des conseillers spécialisés pour les professions qui le nécessitent ; et le lien avec notre territoire, qui passe notamment par la proximité. Nous essayons de concilier ces trois dimensions pour nous différencier des autres banques et acteurs du financement. Nous sommes très ambitieux sur ces trois axes et je suis convaincue que nous allons réussir.
Votre banque a toujours été un acteur important dans le financement du monde associatif, un secteur durement touché par les baisses de dotations de l’État et des collectivités territoriales. Comment allez-vous continuer à les accompagner dans ce contexte difficile pour certaines associations ?
Notre soutien aux associations ne faiblit pas ! Nous sommes très présents, par différents moyens, dans l’accompagnement et le financement des associations. Nous sommes également partenaires de nombreuses manifestations sur le territoire. Nous sponsorisons beaucoup d’événements, que ce soit dans les domaines culturel, sportif ou de la solidarité, et nous continuerons à le faire. Nous sommes une banque coopérative, ce qui signifie que nous accompagnons les projets en Loire et Haute-Loire, et uniquement ici. Si le territoire réussit, nous réussissons ; si le territoire est attractif, c’est bon pour nous. Et les associations contribuent à l’attractivité du territoire, donc nous restons et resterons très proches du tissu associatif local.
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