
Johannes Herrmann, ornithologue depuis plus de 20 ans, a publié en 2024, Face à l’éco-anxiété, quelle espérance pour ne pas sombrer, aux éditions de l’Escargot. En cette année jubilaire, l’écologiste chrétien revient sur la manière d’exercer son espérance face à la crise écologique.
RCF : Vous expliquez dans votre livre comment, depuis le Covid, les chrétiens se sont éloignés du souci de l’écologie intégrale. Pourtant après la publication de l’encyclique Laudato si', il y avait eu de nombreuses initiatives lancées de la part des chrétiens. Comment expliquez-vous cela ?
Johannes Herrmann : Ce sera un ressenti puisque je ne suis pas sociologue, mais je dirais que vis-à-vis de l'écologie les catholiques sont d'abord des Français comme les autres et donc ils délaissent le sujet en même temps que les autres parce qu'ils se replient sur ce qu'ils tiennent pour acquis, leurs biens, leur position sociale... Et le Covid, peut-être à cause de la phase de confinement où on est tous restés à ruminer pendant six semaines, a provoqué chez toutes les composantes de la société un repli qui a fait rejeter tout ce qui était extérieur à nos sujets traditionnels bien maîtrisés, pour rester entre nous sur nos thématiques biens connues. L'écologie était une préoccupation récente des chrétiens, donc cette greffe a été rejetée parce qu'elle était trop jeune. Je veux dire cette préoccupation des chrétiens à être plus écolos que les autres parce que c'est une façon d'être disciple du Christ, comme nous y invitait le pape François dans Laudato si'.
Vous dites que les chrétiens devraient être plus écolos que les autres. En matière d’écologie, les chrétiens sont-ils appelés à être prophètes, et si oui comment ?
Plus exactement, je dirais que les chrétiens ont des raisons supplémentaires d’être écolos. En plus des raisons partagées par tout être humain, ils doivent avoir ce souci des pauvres et il y a ce rôle que Dieu nous assigne en tant que gardien de la création qui fait qu'être écologiste aujourd'hui, ce n’est pas seulement être un Homo sapiens qui se soucie de son habitat, c'est aussi un geste de disciple du Christ. Quant à être prophète, tout dépend vers qui ! Il ne faut pas oublier, qu’en France au moins, nous sommes des tard-venus nous les catholiques en écologie. À part un petit nombre de précurseurs, les catholiques ont globalement plutôt attendu Laudato si'. Il existe des mouvements écologistes et des acteurs de terrain tout à fait rigoureux et scientifiques qui depuis des dizaines d'années mènent des actions absolument formidables. Gardons-nous d’arriver en disant: « Nous, nous sommes les super écolos inspirés par Dieu ». On a des choses à apporter aux écologistes non-chrétiens et notamment au niveau de l'espérance. En revanche, pour ce qui est du souci d'une écologie intégrale qui se soucie des pauvres, d'une écologie qui a des compétences techniques en biologie des écosystèmes, on n'a pas de leçon à donner. Il faut se méfier aussi de ce qu'on va pouvoir lire dans les médias sur les grands méchants écolos, il faut d'abord commencer par les connaître avant de tenir tout un discours sur eux. Nous avons plutôt à être prophètes vis-à-vis des gens qui sont dans le déni, être prophète au côté des personnes engagées.
Vous dites que les chrétiens ont quelque chose à apporter en matière d’espérance. De quelle manière ?
Déjà, gardons en tête que la plupart des écologistes ne sont pas désespérés sinon ils ne feraient plus rien. Mais nous, nous avons une espérance qui va au-delà de l'espérance à vue humaine. Dans la mesure où le Christ est venu nous sauver sur la croix et qu'il a dit : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » et que « Dieu donne son soleil aux méchants comme aux bons », nous n'avons pas à douter du fait que l'homme puisse se convertir et revenir à une relation plus ajustée au créateur, à la création et à ses frères pauvres. Nous n'avons pas à sombrer dans le discours « l'humanité ne changera jamais » et être dirigistes, voire despotiques pour imposer l'écologie, non, puisque nous avons l'espérance que chacun peut se convertir.
Nous n'avons pas à douter du fait que l'homme puisse se convertir et revenir à une relation plus ajustée à la création
Dans votre livre, vous dites que l'écologie est « un lâcher-prise puisqu'il s'agit de renoncer à une maîtrise despotique pour une réconciliation avec les forces de la vie, avec le sauvage que nous ne dominons pas ». Puisque nous sommes en pleine période de carême, comment la dimension écologique peut entrer dans nos préoccupations de carême ?
Ce lâcher prise vis-à-vis du vivant sauvage représente un gros travail sur soi, dans nos sociétés qui ont appris à contrôler, à maîtriser, à aménager... Pour des raisons pas du tout hasardeuses, le carême tombe au printemps. C’est la période où la vie va recommencer à s'épanouir. Donc la première chose à faire est d'observer, de faire attention aux mouvements des saisons. Dans n’importe quel milieu, même dans un parc urbain, on peut déceler des signes. Par exemple, en ce moment, on recommence à entendre les premiers chants de merle. Dans les espaces verts, on va voir les feuilles se dérouler et les fleurs s'ouvrir, les premiers insectes arriver. Être attentif à ces petits signes de vie sauvage, c'est déjà les faire rentrer dans son champ de préoccupation, voir qu'il y a quelque chose qui vit autour de nous, qu'on n'est pas les seuls qui comptent. On va réaliser que la faune et la flore ont leur place dans notre monde et qu’elles doivent aussi avoir leur place dans notre regard. Toutes les espèces ont leur place, c'est une réalité biologique qu'il s'agit de redécouvrir. Le carême est un bon moment pour méditer cela, ça nous remet à notre place au sein de la création. Nous n'avons pas été créés seuls. Ça fait partie du dessin du créateur qui aurait très bien pu faire autrement s'il avait voulu. Les scientifiques nous disent que nous sommes biologiquement dépendants de tous ces systèmes sauvages, cela interroge notre foi. Méditons cela, en demandant au Seigneur ce qu’il me dit là-dedans et ce que je dois faire pour retrouver la place qu’il m’a donnée au milieu de cette immense compagnie.
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