Merckx, le film qui humanise le "Cannibale" du cyclisme
Le 26 février prochain sortira le long métrage "Merckx". Les images d'archives nous replongent dans les performances d'un champion à la personnalité mystérieuse. Entretien avec les réalisateurs Christian Hermans et Boris Tilquin.
Eddy Merckx Un cannibale est mis à l'honneur dans un film de Christophe Hermans et Boris Tilquin à voir dès le 26 février prochain et qui met à l'honneur le meilleur coureur cycliste du 20e siècle. Ce cannibale, vous l'aurez compris, c'était Eddy Merckx, celui qui a gagné 525 courses.
C'est grâce à des images d'archives qu'on se replonge dans cette carrière exceptionnelle de 1965 à 1978 et qui fait de cette personnalité une star mondiale, à l’instar de Tintin. Un sportif fédérateur qui “créait de l’émotion, qui elle-même écrivait l’histoire”, dira Cyrille Guimard, l’ancien coureur cycliste français.
Un modèle pour trouver sa voie
Ce film donne-t-il l'occasion de mettre en lumière un champion du cyclisme à une époque, où l'on découvre un nouvel engouement pour ce sport quand on voit l'actualité de jeunes talents belges (citons Remco Evenepoel, Arnaud De Lie, Wout Van Aert) ?
Les champions d'aujourd'hui se réfèrent à Eddy Merckx comme le jalon ou l'icône ultime et indépassable. Donc c'est plutôt l'inverse qui nous a motivé : c'est-à-dire que nous souhaitions partir du passé pour tenter de comprendre comment Eddy Merckx, a pu encore aujourd'hui rester une icône majeure et incontournable du cyclisme. Je pense simplement qu'il fait preuve de caractère, c'est un homme qui a dû essuyer quelques échecs dans le passé. C'est quelqu'un qui n'était pas forcément bon à l'école, qui s'est réfugié très vite dans le monde du sport avec des aptitudes incroyables au niveau cardiaque par exemple. Pour lui, gagner n'était pas se contenter de la deuxième place, c'était d'être premier. On peut voir que, directement dès 1967, on a l'étoffe d'un champion, dès les premières courses amateur.
Nous voulions présenter le portrait d'un grand champion en dépassant l’aspect spectaculaire.
Nos enfants, nos ados, les plus vieux comme les plus jeunes, qui ne connaissent pas forcément Eddy Merckx peuvent se retrouver dans ce parcours de vie singulier. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une société qui nécessite de trouver sa voie, qui n’est pas forcément celle des études. Eddy Merckx a fait du cyclisme sa passion et son métier, ce qui démontre la possibilité de choisir un chemin alternatif ou en tout cas un chemin de passion et de cœur.
On cherchait le juste équilibre. Il est difficile d'échapper à la performance quand on réalise un film sur Eddy Merckx, parce que c'est un cycliste qui a remporté 525 victoires et qu’il reste à ce jour inégalé. Nous voulions présenter le portrait d'un grand champion en dépassant l’aspect spectaculaire des victoires pour rentrer dans sa psychologie, en plongeant dans son regard.
Un symbole de fierté nationale, une figure qui rassemble
Tout au long de ce long métrage basé sur des images d'archives, présenté avec des voix de commentateurs sportifs à l’instar de Rodrigo Beenkens ou bien de membres de la famille d'Eddy Merckx et de son soigneur. Merckx ne se raconte pas beaucoup lui-même. Quelle est sa personnalité ? Où va-t-il puiser la force, ce caractère de gagnant ?
Ce qui nous fascine chez Merckx, c'est un peu son mystère, car il est très mystérieux. Et de cet aspect, on a voulu en jouer un petit peu dans le film. C'est à dire qu'effectivement, ce n'est pas quelqu'un qui se raconte forcément dans des interviews, il n'est pas très loquace, il ne développe pas beaucoup mais il est toujours très juste dans ce qu'il dit, il fait la phrase qui convient et puis il passe à autre chose.
Merckx, c'est une histoire d'amour entre un homme et une femme prêts à tout pour gagner !
C’est un film qui soulève des questions et des propositions sur la provenance des caractéristiques du talent. Le film met aussi en valeur les difficultés d'Eddy Merckx, et c’est là toute l'ambivalence. Effectivement, c'est un champion, mais derrière, il se prend des coups. A travers ce film, Claudine, sa femme qui est toujours derrière lui, qui le porte et qui s’occupe seule des enfants, est mise en lumière. Merckx, c'est une histoire d'amour entre un homme et une femme prêts à tout pour gagner. Ce que nous racontons, c'est l'histoire d'un corps social, donc le corps d'Eddy Merckx dans ce côté social, parce qu'il est proche des gens. Tout le monde peut se retrouver derrière le champion. Il a rendu fière la Belgique parce que tout le monde s'est reconnu un jour ou l'autre en lui. Il est un héritage culturel très important pour la Belgique d’aujourd’hui. Durant sa carrière, il a parcouru toutes les routes du pays avec son vélo. Il est proche de Namur comme de la Flandre.
A travers ce long métrage, on accompagne Eddy du début à la fin de sa carrière cycliste professionnelle, jusqu'au déclin et à l’annonce en conférence de presse de l’arrêt de la compétition. Ces images ne nous dépeignent pas seulement le portrait d'un surhomme aux caractéristiques sportives exceptionnelles, on voit aussi le cycliste, humain, qui à un moment sent que le déclin sera inévitable.
Ce qui nous intéressait, c'était non pas de faire un film sur le cyclisme, mais un film sur un champion, sur un gagnant - un boxeur -, et montrer que le mental joue un rôle crucial quand on se prend des coups. Merckx c'est aussi l'histoire d'un corps en mouvement et l'histoire d'un souffle. Donc, on va au début de ce souffle jusqu'à la fin, la fin du souffle cycliste. Cette respiration évolue au fil du temps, au fil de ce qu'il traverse. On termine sur la fin de ce souffle et de ce qu'il a pu apporter à la Belgique dans sa carrière cycliste. Évidemment, comme je le dis très souvent avec Boris Tilquin, c'est qu'il est possible de faire 60 voire plus de documentaires très différents sur le personnage. Notre objectif était de présenter l'histoire d'un corps, c'est l'histoire d'une respiration, c'est l'histoire d'une Belgique unie autour de son champion.
Ce que crée Eddy Merckx c'est de l'émotion, et l'émotion écrit histoire. Cyrille Guimard
Et Merckx lui-même par rapport à ce film, comment réagit-il ? L'avez-vous sollicité ?
Nous l’avons rencontré avant de faire ce film. C'est lui-même et son épouse, Claudine, qui nous ont dit d'aller chercher les images dans les archives. Depuis sa blessure, on lui a envoyé le film et nous attendons qu'il le visionne, ou en tout cas qu'il nous envoie un petit mot pour savoir ce qu'il en a pensé. Ce que nous retenons de notre rencontre, c'est l’histoire d'amour d’Eddy et Claudine. Nous avons vu un couple, toujours aussi fort aujourd'hui. C'est la force d’une femme qui maintient son mari et qui le guide ; et lui, un homme prêt à tout aussi pour sa femme.
C'est magnifique de se dire qu’il a toujours ce regard du “cannibale” posé sur vous.
Quand vous rencontrez Eddy vous êtes tout petit ! Vous avez cet homme de 78 ans devant vous (en 2023), il vous regardait comme vous l'aviez vu dans les centaines d'heures d'archives qu'on a visionnées et traduit dans le film. C'est magnifique de se dire qu’il a toujours ce regard du “cannibale” posé sur vous, vous rencontrez une idole. Ce sont des images qui resteront gravées à jamais. Pour terminer, comme le dit si bien Cyrille Guimard à la fin du film : "ce que crée Eddy Merckx c'est de l'émotion, et l'émotion écrit histoire".


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