La célèbre soupe VGE aux truffes de Paul Bocuse fête ses 50 ans

Cinquante ans, et elle n'a pas pris une ride. Aujourd'hui encore, des clients viennent du monde entier ce must de la gastronomie et l'une des recettes les plus emblématiques du restaurant Paul Bocuse : la soupe VGE aux truffes. Servie uniquement en saison, elle est composée d'un consommé de bœuf (de la volaille à l'époque), de carottes, de cèleri, de champignons de Paris, de foie gras poêlé et d'une vingtaine de grammes de truffes, le tout recouvert d'une spectaculaire croûte feuilletée au beurre et servi dans une soupière individuelle. 

Cette soupe d'exception fut créée pour la réception de la Légion d'Honneur de Paul Bocuse le 25 février 1975, en pleine saison de la truffe. Ne faisant décidément rien comme les autres, Paul Bocuse accepte de recevoir la distinction de Chevalier annoncée lors de la promotion du 1er janvier 1975 en posant ses conditions : c'est le président de la République en personne qui devra lui remettre et le menu sera préparé par le récipiendaire lui-même, et non pas par le cuisinier du palais présidentiel Marcel Le Servot, comme le veut l'usage. Ce dernier prend exceptionnellement place à table avec les amis de Monsieur Paul : Jean-Pierre Haerberlin, Michel Guérard, Louis Outhier, Pierre Troisgros et Maurice Bernachon, le chocolatier lyonnais qui créera pour l'occasion son fameux gâteau tout chocolat rebaptisé « Le Président ».

Au début du repas servi à l'Elysée, à la vue de la soupe, le président de la République s'interroge sur la façon dont il doit manger cette soupe. « L'on casse la croûte, M. le Président ! » lui répond Paul Bocuse avec gouaille et malice, fier de son trait d'esprit. Là réside le génie du cuisinier alors triplement étoilé depuis dix ans : en tombant dans le bouillon, le gras du beurre de la pâte feuilletée se mélange et révèle instantanément tous les arômes de la truffe. Un plat aussi esthétique que délicieux. 

Cinq décennies après sa création, la soupe VGE aux truffes reste l'un des best-sellers de L'Auberge du Pont de Collonges. Sa recette a cependant été quelque peu revisitée au fil du temps, comme l'explique le chef de cuisine Olivier Couvin. 

On a remplacé le foie gras terrine d'autrefois par du foie gras confit à la graisse de canard et poêlé. Dans la recette originelle, avec la terrine, on pouvait avoir une disparition complète du foie gras. La saveur était là, mais pas la texture. Après avoir revu ce plat avec du foie gras poêlé, tomber sur ces pépites de foie gras amène quelque chose d'intéressant en bouche, une rondeur, une aromatique presque torréfiée, qui amène un plus à cette soupe.

Aujourd'hui, la maison Bocuse en sert 450 par semaine, soit une centaine par jour, pendant toute la durée de la saison du fameux champignon noir, de la fin novembre jusqu'à la mi-mars. La soupe VGE se prépare à froid et nécessite au total deux jours de travail, le temps de préparer un double consommé et de le laisser à chaque fois reposer entre les différentes étapes. 

Des clients traversent parfois le monde entier pour connaître ou retrouver la même émotion en goûtant cette soupe d'anthologie, ce qui continue d'émerveiller Vincent Le Roux, directeur du restaurant Paul Bocuse.

Je me souviens d'un client tout ému de rentrer dans le restaurant me confiant être venu il y a 20 ans et se rappeler encore du goût de la soupe aux truffes. C'est une magnifique image de la maison. 

Ce mardi 25 février 2025 au soir, comme un symbole, ce sera le fils du président en personne, Louis Giscard-d’Estaing qui prendra place à table chez Bocuse pour le dîner. Pour déguster la fameuse soupe au nom de son père, cinquante ans après lui. De quoi perpétuer encore un peu plus la tradition.