Contre la dépression, les troubles anxieux ou les troubles du sommeil, on vante souvent l'activité physique, la déconnexion numérique ou les interactions sociales. Les experts en psychonutrition ont établi un lien entre alimentation et santé mentale. Pourtant, l'alimentation semble être la grande oubliée des plans de santé mentale, "grande cause nationale" 2025...
Si la santé mentale a été décrétée "grande cause nationale" 2025, l’alimentation ne figure pas "dans les plans de santé mentale". Or les effets d’une bonne alimentation sur la santé mentale sont désormais prouvés. Comment et pourquoi nos sociétés modernes en sont-elles venues à oublier qu’une bonne alimentation est à la base de tout ? Ce que les anciens de l’Antiquité avaient bien compris…
Le marché des compléments alimentaires est en pleine expansion depuis une dizaine d’années. En 2022, il pesait "2,13 milliards d'euros" en France, selon Les Échos. En gummies, en poudre ou en gélules, on trouve aussi bien des protéines, du collagène marin, de la spiruline, de l’acide hyaluronique que des vitamines D, des oméga trois ou du magnésium.
Les promesses sont nombreuses : amincissants, beauté, énergie, immunité, anti-stress… Difficile pour le consommateur de faire le tri entre ce qui relève des besoins essentiels à sa santé ou du bien-être, voire de l’esthétique. Sans compter les effets indésirables : en juillet 2024, l’Anses a alerté sur des consommations à risques de certains compléments alimentaires "enrichis pour sportifs".
Pourtant les carences sont bien là. "Selon l’Anses 98% des Français manquent d’ALA, un type d’oméga trois d’origine végétale", rappelle le Dr Guillaume Fond, psychiatre, chercheur en psychonutrition, enseignant-chercheur AP-HM Aix-Marseille, cofondateur d’Origine Care. Et "quasiment 100% des Français manquent de vitamine D".
La recherche en psychonutrition a fait des avancées considérables ces dernières années. Depuis 2022, la WFSBD (World Federation of Societies of Biological Psychiatry, la fédération mondiale des sociétés de psychiatrie biologique) "recommande de supplémenter dans la dépression en oméga trois, zinc, vitamine D", explique le psychiatre. Les liens entre santé mentale et nutrition ne sont plus à prouver. "Mais c’est encore très récent." Comme le dit Guillaume Fond, reste à sensibiliser le public et les décideurs.
On parle de l’activité physique, de la connexion sociale, des écrans, des réseaux sociaux… alors que l’importance de l’alimentation est la base de tout
"L’alimentation, c’est l’élément essentiel, la base de tout", prévient le Dr Guillaume Fond. Il rappelle qu’une mauvaise alimentation provoque un "manque d’énergie, des troubles du sommeil, des troubles de l’attention et cela engendre du stress, de l’anxiété, de la dépression". Le rapport entre alimentation et santé semble relever du bon sens et pourtant…
Si la santé mentale a été déclarée "grande cause nationale" 2025, "l’alimentation n’apparaît nulle part dans les plans de santé mentale", constate Guillaume Fond. "Je ne comprends pas cette omission ! On parle de l’activité physique, de la connexion sociale, des écrans, des réseaux sociaux… alors que l’importance de l’alimentation est la base de tout." Ce que l’on sait depuis… l’Antiquité ! Mais "les freins sont avant tout politiques", estime l’auteur de "Bien nourrir son cerveau - Contre le stress, l'anxiété, la dépression, le déclin cognitif" (éd. Odile Jacob, 2025).
Lors des Jeux olympiques de Paris, l’heure était à la promotion de l'Activité physique et sportive (APS). "C’était essentiel, notamment dans la jeunesse." Les dernières données sur la santé mentale des jeunes "sont catastrophiques", a pu constater l’équipe du Dr Fond. "Le Covid n’est pas la seule explication. La pandémie a été le déclencheur d’une accélération de la détérioration de la santé mentale chez les jeunes." Guillaume Fond plaide pour un remboursement par la Sécurité sociale "des nutriments qui ont prouvé leur efficacité en santé mentale" comme les oméga trois. Faute de quoi, il y a là "un énorme frein à la justice sociale".
Les bienfaits des aliments sur la santé étaient bien connus des Grecs et des Romains de l’Antiquité. "Le régime tel que le définit Hippocrate, [philosophe et médecin grec qui vivait entre les Ve-IVe siècles avant notre ère appelle, ndlr] une diversité dans le régime alimentaire mais également à une mesure", nous apprend Dimitri Tilloi-d’Ambrosi. Historien, spécialiste de l’histoire de l’alimentation dans la Rome antique, il est l’auteur du livre "Le Régime romain – Cuisine et santé dans la Rome antique" (éd. PUF, 2024).
Pourquoi l’a-t-on oublié ? L’augmentation de la population, l’épuisement des ressources, l’alimentation moderne, les produits transformés… tout cela contribue, selon le Dr Fond, à "l’affaiblissement du microbiote intestinal". De plus en plus on redécouvre les liens entre cerveau et intestin, comme les bienfaits d’une médecine holistique, intégrative. La tendance est à la prévention.
Va-t-on aussi renouer avec la puissance symbolique des aliments et revenir aux rites autour des repas ? "La nourriture, ce n’est pas seulement les aliments que l’on prend, il y a toute une symbolique", rappelle le Père Saintôt, jésuite, directeur du département d’Éthique biomédicale des Facultés Loyola Paris. Par exemple, "les interdits alimentaires structurent notre rapport au monde, ça a une signification". Il ne s’agit pas nécessairement de renouer avec des interdits. On peut en tout cas redécouvrir les vertus de la commensalité, c’est-à-dire le fait de partager un repas. Au-delà de la convivialité, cela permet de manger avec mesure. L’une des vertus que prônaient déjà… les philosophes stoïciens de l’Antiquité.
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