Enfant unique : chance ou handicap ?

Être enfant unique. Une situation de plus fréquente. Aux Etats-Unis, le modèle est en train de devenir la norme, de même qu’en Europe pour près de 40 % des familles, entre 18 et 20 % en France. Comment expliquer cette tendance ? S’il y a des raisons financières ou médicales "Aujourd’hui, il y a plus de liberté de choix et on se sent moins gêné par la pression d’avoir plusieurs enfants." analyse Eléna Goutard, notamment pour des grossesses tardives après avoir privilégié une carrière professionnelle.

Reste que des clichés entourent encore l’enfant unique : il serait malheureux seul, ans frères et sœurs. "Faux !", estime la coach parental. "Il y a des enfants naturellement timides ou solitaires. Tout dépendra de ce que les parents vont mettre en place pour accompagner cet enfant et encourager sa socialisation. Et les moyens sont nombreux :  l’école, les sorties extra scolaires, les amis, les cousins ». Un besoin d’entourage dont témoigne Thérèse, mère d’une fille unique : "Enfant, elle était très indépendante et ses meilleures amies étaient dans les familles nombreuses." raconte-t-elle. Le cas aussi d’une autre auditrice, qui pour ne pas rester seule, a demandé à partir en pension où elle s’est pleinement épanouie.

Une complicité avec d'autres

La fratrie a pourtant son rôle : celui d’une micro société, avec ses disputes et ses conflits qu’on apprend à résoudre. Mais c’est aussi une connivence au quotidien, avec des secrets qu’on peut confier à un grand frère ou sœur. En serait-on privé en tant qu’enfant unique ? "Effectivement, quand il y a des frères et sœurs à la maison, il peut s’instaurer une complicité par rapport aux parents." analyse la psychanalyste Anne-Marie Sudry "une façon d’être, de se positionner. Mais pour un enfant unique, cela peut aussi s’organise ailleurs, avec un copain de classe ou un cousin. » Des amitiés plus sélectives, mais solides, voire exclusives, qui ne seront pas vécues avec la même intensité par l’ami(e) en question. D’où le conseil d’Eléna Goutard d’inciter à varier les contacts pour éviter des jalousies qui feront souffrir l’enfant.

L’enfant unique, enfant roi, tyran, à qui on passerait tout et qu’on ne veut pas frustrer ? "Ça peut être vrai comme ça peut être faux." estime la coach parental. "Chaque famille est singulière. Mais comme pour n’importe quel enfant, c’est aux parents de fixer des limites et de lui apprendre à gérer sa frustration." Un enfant qui serait aussi égoïste et incapable de partager ? "Tout petit, un enfant n’aime pas partager." rappelle Anne-Marie Sudry. Mais comme pour chaque enfant, c’est aux parents de montrer la voie." Et Eléna Goutard de compléter en citant des études démontrant que, "n’étant pas limité par des frères et sœurs, cela donnait des enfants au contraire extrêmement ouverts et généreux !"

Des enfants sous surveillance ? 

Enfin, enfant unique, enfant surprotégé, trop couvé, voire étouffé ? Une attitude qui peut se comprendre pour Eléna Goutard « "Quand on a un seul enfant, on a envie de réussir, il n’y aura pas de seconde chance. Donc on s’investit énormément dans l’éducation, ce qui peut donner à l‘enfant l’impression d’être surveillé en permanence. D’où le témoignage de certains enfants uniques de regretter de ne pas avoir eu de frères et sœurs pour diluer cette attention parentale." Une situation dont a souffert Edith, 80 ans, fille unique : "On focalise tous les espoirs de nos parents. Il faut être parfait, la meilleure et cela toute sa vie. Et avec mon mari, nous avons fait des choix qui ne correspondaient pas à nos parents et cela a plombé nos relations." déplore-t-elle.

Une pression qui n’est cependant pas réservée qu’aux enfants uniques. "Ça peut aussi se voir dans une fratrie, en choisissant un enfant en particulier, porteur de toutes les attentes." souligne l’auteure de "Chouchou ou mal-aimé". Faut-il pour autant se justifier de ne vouloir qu’un seul enfant aujourd’hui ? "Tout choix doit se respecter !", estime Anne-Marie Sudry. Idem pour Eléna Goutard qui invite les parents à préparer quelques phrases pour anticiper les questions, couper court et détourner la conversation.

Autres recommandations :  Ne pas hésiter aussi à expliquer à son enfant pourquoi il est resté unique, quand il le demandera et même si celui-ci est au centre des attentions, penser aussi à son propre couple. En conclusion, ne pas oublier que seul ou avec des frères et sœurs, un enfant reste un enfant … unique !

Pour aller plus loin :

"Mon p’tit cahier enfant unique", d’Eléna Goutard, coach parental. Sous forme de cahier quadrillé, un vrai guide pour comprendre la singularité de l’enfant unique, des tests pour savoir où se situer en tant que parents et enfant et des pistes concrètes pour l‘accompagner au quotidien. Editions Solar 2021. Eléna Goutard à retrouver aussi sur https://elena-goutard.com/

"Chouchou ou mal-aimé : libérez-vous du regard familial" d’Anne-Marie Sudry, psychanalyste et Catherine Siguret, journaliste et écrivaine. Edition Denoël - 2019