Jésus jusque dans les steppes de Mongolie

1500 chrétiens en Mongolie, soit 0,1% de la population. Une communauté qui pourrait paraître anecdotique mais qui n’est pas sans rappeler les premiers chrétiens. Le Pape François, dans sa volonté de se rendre aux périphéries de l’Église, s’est même déplacé dans les steppes de Mongolie pour rendre visite au cardinal qu’il y a nommé. Pourtant Marie-Lucile Kubacki leur consacre son dernier livre Jésus en Mongolie (Éditions du Seuil).

Les chrétiens en Mongolie, une communauté naissante

En 2022, le Pape François fait cardinal l’évêque et préfet apostolique d’Oulan-Bator, Giorgio Marengo. À 48 ans, le prélat de la capitale de Mongolie se voit confier la charge de représenter la minuscule communauté chrétienne de Mongolie. Marie-Lucile Kubacki, qui s’est rendue 2 fois dans le pays du ciel bleu, a pu y observer les principales personnalités catholiques. “L'Église y est trentenaire. Au niveau du clergé, il y a des religieux et des prêtres qui ne sont pas forcément tous prêtres. Il y a aussi des religieuses. Ce sont essentiellement des missionnaires.” Sont répartis sur tout le territoire 75 missionnaires de 27 nationalités différentes. Le clergé local s’y développe peu à peu. Deux locaux ont été ordonnés prêtres il y a peu. Parmi eux, Sanja, que Marie-Lucile Kubacki a pu rencontrer. "Il a été accueilli par les missionnaires de Mère Teresa. Et Il m'ont raconté, les larmes aux yeux qu'elles lui avaient cousu son premier uniforme pour faire sa première rentrée scolaire, alors qu’il avait 15 ans. Et à partir de là, il a fait tout un chemin.”

Pour autant, l’histoire commune entre mongoles et chrétiens remonte à bien avant la fin de l’ère communiste. Des contacts entre le Vatican et les Khans de Mongolie avaient été entamés au XIIIème siècle. Au VIIIème siècle, une communauté chrétienne, les Nestoriens, vivait même dans la steppe, au contact direct des mongoles. Toutefois, la mise en place du régime communiste a mis un terme à la présence chrétienne en Mongolie. Un mur battu en brèche notamment par la visite du Pape François en Mongolie en 2023. Depuis, le dialogue se poursuit. “Il y a une attention très forte au dialogue interreligieux. "Les responsables de grands monastères bouddhistes en Mongolie sont venus rencontrer le pape François en janvier.” Une communauté chrétienne mongole en construction donc, et qui n’est pas sans rappeler les premiers chrétiens.

Un long processus d’inculturation

L’Église mongole essaie de se faire une place dans un pays où la spiritualité est déjà très importante. Bien que le pays ne compte pas plus de 4 millions d’habitants (et 67 millions d’animaux), sa superficie atteint trois fois celle de la France et les religions et croyances y sont multiples. Marie-Lucile Kubacki attribue cela aux paysage si particulier de la Mongolie, où s’enchaînent vastes plaines et collines verdoyantes, le tout sous un ciel très souvent bleu et sans nuage. “Quand on est dans la steppe, on ne sait pas si le cheval que l'on est en train de regarder est à un kilomètre, dix kilomètres. On ne sait pas si l'horizon s'arrête à cent kilomètres ou à mille kilomètres. On ne voit pas la démarcation entre la terre et le ciel. et je pense que le paysage conditionne un rapport à la spiritualité.” Pour se faire sa place; l’Église mise donc sur le dialogue.

Marie-Lucile Kubacki a pu observer des phénomènes d’appropriation culturelle et confessionnelle chez les chrétiens mongols. Par exemple, la pro-cathédrale d’Oulan-Bator est en forme de yourte, pour reprendre la forme traditionnelle des habitations mongoles. Marie-Lucile Kubacki a aussi pu observer l’adaptation des mariages religieux en Mongolie. “Il y a une tradition au moment du mariage, où on met les alliances dans une coupe à l'intérieur de laquelle il y a du lait, il faut boire cette coupe de lait avant même de se passer l'anneau. C'est un pays d'élevage, donc le lait est très important dans la culture mongole.” L’inculturation des chrétiens en Mongolie est ainsi pilotée depuis le Saint-Siège au Vatican.“Il ne s'agit pas de tout à coup faire n'importe quoi. Il y a un dialogue permanent, entre l'Église en Mongolie, les chrétiens locaux, leurs traditions locales, et le Vatican, le dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements.”

L'aventure des chrétiens en Mongolie est, d'une certaine manière, l'aventure des premiers chrétiens mais au XXIème siècle.