Le secteur aérien est fortement impacté par la crise sanitaire et le confinement. En mars, le trafic mondial a chuté de presque 53% par rapport à l’an passé, et l’aéroport d’Orly, le deuxième plus grand de France, ne devrait pas rouvrir avant l’automne. "Ce qui est totalement inédit c'est que les trafics s'arrêtent pendant plusieurs mois", souligne l’économiste Yves Crozet.
En France, tous les avions sont cloués au sol sauf ceux d’Air France, qui assure toujours quelques vols. Pour sauver la compagnie, qui perd tout de même 25 millions d’euros chaque jour, le ministre de l’Économie a annoncé que le gouvernement allait lui prêter 7 milliards d’euros : l'État ne peut pas en effet se permettre de perdre Air France, "entreprise phare de la puissance publique française", rappelle Yves Crozet. Même si l'économiste estime que les 7 milliards seront "peut-être insuffisants" pour éviter la suppression d'effectifs.
La somme allouée à Air France fait réagir les écologistes. Ainsi, le Haut conseil pour le climat (HCC) a récemment publié un rapport dans lequel il appelle à ne pas soutenir coûte que coûte des secteurs comme l’aviation, sans contreparties. C'est aussi ce que demande le député Matthieu Orphelin, au micro de Marion Bastit (RCF Anjou) : "On ne revient en rien sur l'idée de sauver des emplois d'aujourd'hui mais il faut que les grandes entreprises qu'on va aider prennent des engagements sur le respect des objectifs climat."
"Conditionner un plan de survie à des conditions écologiques qui ne sont pas nouvelles", voilà qui est "injuste et malvenu", selon le commandant de bord et membre du bureau exécutif du Syndicat national des pilotes de ligne Adrien Godier. Il rappelle que "des réponses ont déjà été accordées" sur "le sujet de la transition écologique" et des "gaz à effet de serre dans le transport aérien". Et qu'il s'agit actuellement de sauver des 350.000 emplois directs et indirects.
Bruno Le Maire a annoncé qu'il veut faire d’Air France la compagnie la plus respectueuse de l’environnement au monde, et qu’il faudrait donc trouver une solution pour qu’elle reste compétitive tout en respectant l’écologie.
Il a notamment demandé à la compagnie aérienne de réduire de 50% ses émissions de CO2, d’ici 2024 pour les vols métropolitains. Et de réduire drastiquement les vols intérieurs de moins de 2 heures 30 lorsqu’une alternative ferroviaire existe. "C'est de la poudre aux yeux ! réagit Yves Crozet, le trafic aérien domestique en France représente presque rien en terme d'émission de CO2 du transport aérien, par rapport au trafic international."
Reste que la crise sanitaire empêchera les compagnies d’investir en faveur de la transition énergétique. "Avec la crise actuelle, la perte des revenus, les incertitudes sanitaires... le taux de remplissage va mécaniquement diminuer dans les avions." Yves Crozet rappelle que les compagnies aériennes sont soumises à un taux de remplissage minimum pour rentabiliser leur activité. Pendant des mois elles seront "des machines à perdre de l'argent", ou des clients si les billets sont trop chers...
Est-ce donc la fin du transport aérien ? Pour le chercheur Olivier Klein, si la crise est "extrêmement violente", "nos aspirations à sortir, à voyager à se rencontrer ne vont pas disparaître du jour au lendemain". Mais ce ne sera plus jamais comme avant : Adrien Godier compare cette crise à celle du 11-Septembre, qui "a bouleversé la façon dont on prenait l'avion". "L'aspect sanitaire va devenir quelque chose d'entièrement nouveau et va refaçonner la façon dont on voyage, les passagers vont peut-être devoir montrer un passeport sanitaire, prouver qu'ils n'ont pas de problème de santé, etc. Et ça, ça va faire évoluer le transport."
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