Le Conseil constitutionnel se renouvelle. Proposées pour remplacer les trois Sages sortants, les candidatures de Philippe Bas, Laurence Vichnievsky et Richard Ferrand doivent être approuvées par le Parlement le mercredi 19 février. Des noms qui ne font pas tous l’unanimité, notamment en raison de leur lien avec l’exécutif. Pour bien comprendre le rôle du Conseil constitutionnel et les enjeux de ces nominations, Cécile Mérieux reçoit Didier Maus, constitutionnaliste et président émérite de l'Association française de droit constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a été créé en 1958. C'est une juridiction, cela sert à vérifier que les lois sont conformes à la Constitution. Il peut être saisi par plusieurs procédures, mais une fois qu'il est saisi, que ce soit d'une loi qui vient d'être adoptée, mais qui n'est pas encore en vigueur, ou que ce soit d'une loi ancienne à propos d'un litige, il fonctionne exactement de la même manière, c'est-à-dire qu'il vérifie si le texte dont il est saisi est conforme aux grands principes de la Constitution, et pour les lois qui viennent d'être adoptées, il vérifie également si la procédure a été bien respectée. C'est véritablement un contrôleur du travail fini dans un cas, et c'est un contrôleur du travail ancien dans un autre cas. Parce que vous pouvez soumettre au Conseil constitutionnel une loi ou une partie de loi, celle qui vous concerne, qui a été adoptée il y a 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, ou même 150 ans. Si une loi est applicable, on vérifie qu'elle est encore aujourd'hui conforme à la Constitution.
Il a énormément évolué en 1958, notamment à travers d'importantes réformes constitutionnelles. Au départ, personne ne savait ce que serait ce Conseil constitutionnel. Nous n'en parlions même pas, nous considérons que c'est une institution pour hommes politiques futurs retraités.
Le Conseil est devenu une cour constitutionnelle quasiment identique à celle qui existe dans d'autres pays, comme en Allemagne, en Italie, en Espagne. Avec ses particularités, mais il travaille maintenant à plein temps, alors qu'à l'époque, il ne faisait quasiment rien.
Ils sont neuf, trois nommés par le Président de la République, trois nommés par le Président du Sénat, trois nommés par la Présidente actuellement de l'Assemblée nationale, et ils sont nommés pour neuf ans, c'est-à-dire qu'on en renouvelle un tiers tous les trois ans. Théoriquement, les anciens Présidents de la République, qui est une survivance de 1958, comme par exemple François Hollande, ne siège pas, il ne veut pas siéger, parce qu'il est député, ce qui fait qu'il ne pourrait pas siéger, même s'il en avait envie.
La véritable garantie d'indépendance du Conseil constitutionnel, c'est l'indépendance de ses membres. Un mandat long garantit véritablement une certaine autonomie, une certaine liberté. Nous avons pris la précaution de dire, que nous ne pouvons pas être renommés, donc nous ne pouvons pas avoir la tentation d'être aimable à l'égard de l'autorité de nomination, puisqu'elle ne peut plus intervenir.
Richard Ferrand, est l'ancien président de l'Assemblée nationale et l'un des alliés politiques du président. Ce lien est pointé du doigt. Pourtant ce n'est pas surprenant que le Président nomme un allié. Régulièrement il y a des polémiques sur la nomination de telle ou telle personnalité au Conseil constitutionnel.
Il n'y a pas de condition spécifique mise pour être nommé membre du Conseil constitutionnel.
Il est évidemment préférable d'avoir fait du droit, d'avoir une expérience des affaires publiques, que ce soit en tant que personnalité, en tant que fonctionnaire, en tant que juge, il faut qu'il y ait un mélange.
Je crois que c'est très important pour le Conseil constitutionnel, comme pour les juridictions constitutionnelles étrangères, ailleurs, qu'il y ait un mélange de compétences, de personnalités, d'expériences. Ce n'est pas toujours facile de juger un certain nombre de choses, donc il faut que les gens puissent discuter entre eux et que ce soit la réunion de véritables expériences personnelles.
C'est toujours important, lorsque vous avez trois personnes dont le mandat se termine début mars, il faut en nommer trois autres, la procédure prend quelques jours, mais c'est toujours important parce que quand on est neuf, un peu différent d'un autre ou quelqu'un qui fonctionne moins bien, c'est difficile de faire marcher l'affaire. A chaque fois la question est de savoir est-ce que telle ou telle nomination est bonne ou mauvaise.
Il ne faut pas se fier uniquement à la qualité intrinsèque de l'intéressé à un instant t. Il y a ce que le doyen Veudel appelait un "devoir d'ingratitude", c'est-à-dire une garantie d'indépendance. Nous ne devons rien aux gens qui vous ont nommés et il faut agir en toute liberté. La liberté ne s'écrit pas dans un texte, elle se vit au quotidien en tant que juge ou en tant qu'autre personne. Mais nous ne pouvons pas dire véritablement qu'il faut qu'un tel soit libre. C'est une question psychologique beaucoup plus qu'objective.
Finalement, il y a une sorte de contre-pouvoir au sein même du Conseil constitutionnel. Leurs membres ne sont pas tous pareils. Il y a des gens qui ont une certaine expérience, d'autres qui en ont une autre. Par exemple, dans ceux qui vont sortir là, évidemment que Laurent Fabius, indépendamment du fait qu'il est juriste au départ, a une très grande expérience politique, mais il y en a un ou deux autres qui ont des qualités immenses, honnêtement, mais qui sont beaucoup moins connues du grand public.
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