Isère
Vendredi 21 février dernier, dans un courrier adressé aux élus locaux isérois, le Premier ministre François Bayrou rejette leur demande de nationalisation temporaire de l’entreprise chimique Vencorex, une décision qu’il justifie par l’absence de “viabilité” à terme de l’activité de l’usine. Une nouvelle réunion en visioconférence a eu lieu jeudi 27 février avec les services du ministre. Le calendrier d’audience de liquidation de Vencorex va probablement être desserré de plusieurs semaines le temps de trouver des solutions pérennes pour l’usine chimique du Pont-de-Claix et toutes celles qui en dépendent, Arkema en première ligne.
15 jours après la rencontre entre les élus de l’Isère et le Premier ministre, la réponse de François Bayrou, et son refus d’une nationalisation temporaire de Vencorex, génère déception, colère et abattement chez les salariés comme les élus investis dans le dossier.
Cyrielle Chatelain, députée de la seconde circonscription de l’Isère et cheffe de file des écologistes à l’Assemblée, y voit du mépris de la part du gouvernement. “Ce qui se passe ici, ce n’est pas une question iséroise mais nationale. Si la vallée de la chimie rhônalpine vacille, il en sera de même pour tout le secteur industriel français.” L’usine Vencorex est en effet le principal fournisseur de fabricants de composés chimiques au service d’acteurs du militaire, nucléaire et spatial, tels que Framatome et Arkema.
Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix, qui déplorait déjà, après sa première entrevue avec le ministre de l’industrie Marc Ferracci le 24 janvier dernier, le manque d’engagement et de vision du Premier ministre, se trouve désabusé par “un gouvernement pas à la hauteur face à une situation économique et géopolitique internationale compliquée. Je suis globalement inquiet d’un gouvernement sans stratégie industrielle. Que faire de l’industrie française, comment la défendre ? J’ai l’impression qu’on m’a pris un peu pour un con, et globalement je n’aime pas trop ça car derrière moi c’est tout un territoire que l’on insulte.”
En redressement judiciaire depuis septembre, l’entreprise Vencorex n’a depuis reçu qu’une seule offre de reprise, avec 50 emplois conservés sur les 460 actuels. Le jugement du tribunal du commerce concernant sa liquidation judiciaire devait initialement être rendu le jeudi 6 mars prochain. Mais après une nouvelle réunion en visioconférence, jeudi 27 février entre ministère et élus locaux, le calendrier d’audience devrait probablement être desserré de plusieurs semaines le temps de trouver des solutions pérennes pour l’usine chimique du Pont-de-Claix et toutes celles qui en dépendent, Arkema en première ligne.
La fermeture d’une large partie du site menace directement et indirectement les entreprises environnantes qui dépendent des matières premières fournies par l’entreprise. C’est donc plus de 5 000 emplois induits du secteur industriel chimique de la région qui sont en jeu. Arkema, dont l’activité repose sur les sels produits par Vencorex, avait annoncé par anticipation fin janvier le lancement d’un plan social visant à la suppression de 154 postes.
Une réponse collective : trouver des leviers d’action pour repousser l’audience
Cyrielle Chatelain n’a pas attendu le courrier de François Bayrou pour déposer début février une proposition de loi, afin de porter la demande de nationalisation temporaire à l’ordre du jour de la prochaine séance parlementaire, à laquelle il manque encore 10 signatures de députés LR et Macronistes.
Le maire de Jarrie, Raphaël Guerrero, soutient la démarche de la députée. “Perdre 6000 emplois, la souveraineté militaire et la souveraineté énergétique, et ne pas dépendre des fournisseurs étrangers… on va se battre pour que ce débat ait lieu au Parlement. Il est possible de repousser l’échéance de la liquidation, et ce temps accordé à Vencorex est également pour Arkema un moyen d’éviter le pire.”
Sous la menace planante des lettres de licenciement, conformément au premier plan social proposé par la direction, un nouveau projet de reprise est en préparation par les délégués syndicaux. Séverine Dejoux, responsable CGT chez Vencorex, appuie sur “l’enjeu trop important d’une liquidation qui n’est pas envisageable. L’objectif, en continuant de se mobiliser et monter des projets, est de pouvoir prolonger la période d’observation.”
Julien, opérateur d’essai depuis plus de 8 ans chez Arkema, garde l’espoir de conserver son poste avec la nationalisation temporaire, qui signifierait en théorie la fin du PSE. Quentin, salarié depuis 2 ans, n’espère lui plus grand-chose, notamment du gouvernement : “Ce sont des sujets importants du pays qu’ils balaient du revers de la main”. Mais malgré un pessimisme grandissant quant au sauvetage de Vencorex, le front syndical tient bon : “On va poursuivre notre avancée sur le plan social de notre entreprise et on va voir où cela va nous mener. Le piquet de grève tournera le temps qu’il faudra, on pourra aussi peut-être reverser les 154 postes supprimés sur d’autres endroits, et espérer les meilleures conditions pour la suite” affirme Michael, employé depuis 2 ans.
C’est dans un climat d’inquiétude que les salariés et élus locaux appréhendent maintenant les audiences qui vont se succéder pour trancher l’avenir de l’usine chimique. Un premier jugement était initialement programmé le 6 mars mais devrait être décalé de plusieurs semaines.
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