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La doctrine sociale de l'Église face aux défis migratoires mondiaux

La doctrine sociale de l'Église face aux défis migratoires mondiaux

Un article rédigé par Philomène Dubois - RCF, le 12 février 2025 - Modifié le 13 février 2025
L'Invité de la MatinaleQue dit l'Eglise sur le droit du sol ? La réponse du jésuite Christian Mellon

Le mardi 11 février, le pape a condamné les "expulsions massives de migrants" ordonnées par le président Donald Trump. Dans une lettre adressée aux évêques américains et publiée par le Vatican, le pape François estime que cette politique "porte atteinte à la dignité humaine". En réponse, un conseiller de Trump a rétorqué : "Le pape devrait nous laisser gérer nos frontières." Cet épisode s'inscrit dans un contexte de "tensions migratoires mondiales". En France, c'est le "droit du sol" qui suscite le débat. On s’interroge sur ce que dit réellement "l'Évangile" et "l'Église catholique" à ce sujet, avec le père Christian Mellon, membre du CERAS, une œuvre jésuite dédiée à la "doctrine sociale".

Père Christian Mellon © babelioPère Christian Mellon © babelio

L’Église s’est emparée dès le XXe siècle de la question de la migration, notamment à travers des textes de Pie XII. Le traitement de ce sujet s’inscrit dans la "doctrine sociale de l’Église".

Une double définition du droit à la migration

La doctrine sociale de l’Église fixe comme premier droit de ne pas être obligé de quitter son pays. Saint Jean-Paul II ainsi que le pape François ont rappelé que les pays devaient créer des conditions économiques qui permettent aux populations de rester chez elles. Dès lors que ces conditions ne sont pas mises en place, le pape François se place dans le sillage de ses prédécesseurs en rappelant la "dignité des migrants" et la nécessité de prendre soin d’eux.

La position de l'Église est exactement celle du droit international, il y a un devoir d'accueil.

Deux cas forment le droit à la migration fixé par l’Église catholique. Une première catégorie est qualifiée de "migrations contraintes", et englobe les réfugiés qui fuient leurs pays en raison d’une guerre ou de persécution. Dès 1981, Jean-Paul II qualifiait les migrations de "mal nécessaire" tant que persistent l’insécurité. "La position de l'Église est exactement celle du droit international, il y a un devoir d'accueil," souligne le père Christian Mellon. L’article 2241 du catéchisme de l’Église catholique rappelle ainsi que "les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d'origine." L’Église catholique prend ici une position plus radicale que le droit international en englobant les "ressources vitales", explique le membre du CERAS.

La seconde catégorie est qualifiée de "migration non contraintes." L’Église catholique considère que les États ont le droit de réglementer l’accès à leur territoire et d’entraver la liberté de migrer si c’est en raison de la protection du "bien commun". Le père Christian Mellon insiste, "il faut vraiment qu'il y ait des raisons pour limiter l'entrée de migrants sur le territoire national." Les exceptions doivent être justifiées par des "motifs graves et objectivement fondés, relevant du bien commun," selon la "pastoralis migratorum cura" de 1970.

Entre chiffres sur la migration et opinion publique : un gouffre

En France, la liberté de migrer est freinée par les débats qui ajoutent régulièrement l’opinion publique sur un sentiment de "submersion migratoire." Or, selon le père Christian Mellon, les chiffres des études qui ont été menées sur cette question ne corroborent pas ce sentiment. "Beaucoup de Français ignorent complètement les réalités migratoires parce qu'ils sont victimes de propagande qui cite de faux chiffres, qui parle de submersion migratoire ou qui parle de grands remplacements, toute chose que tous les experts réfutent à partir de, non pas comme ça de position idéologique, mais c'est des choses qu'on trouve dans les statistiques."

il y a des coins de France où on peut avoir l'impression qu'il y a cette expression de submersion migratoire, mais au niveau de l'ensemble du territoire national absolument pas.

Le membre du CERAS rappelle qu’il existe des disparités de densité migratoire sur le territoire français. "Moi j'habite Saint-Denis, il est vrai qu'il y a des coins de France où on peut avoir l'impression qu'il y a cette expression de submersion migratoire, mais au niveau de l'ensemble du territoire national absolument pas." Le père Christian Mellon témoigne des liens qu’il a tissés à Saint-Denis avec la communauté musulmane notamment. Cette démarche s’inscrit dans le discours social catholique qui appelle au "vivre ensemble" et à "l’intégration". Lors de la journée mondiale du migrant et du réfugié en 2005, Jean-Paul II avait appelé à "reconnaître la légitime pluralité des cultures présentes dans un pays [...] on doit exclure aussi bien les modèles fondés sur l'assimilation [...] que les modèles de marginalisation des immigrés."

"L’Église accueille en son sein toutes les nations"

La doctrine sociale de l’Église n’évoque pas la question du "droit du sol", une question "typiquement française" selon le père Christian Mellon, mais fait des distinctions très nettes sur la question du patriotisme et du nationalisme. L’Église catholique se dit favorable au patriotisme qui est générateur d'engagement et de dévouement. En revanche, elle est méfiante vis-à-vis de la notion de nation. En janvier 1994, au cours d’un discours au corps diplomatique, Saint Jean-Paul II dit que "chaque fois que le christianisme devient l'instrument d'un nationalisme, il est comme blessé en son cœur même et rendu stérile."

chaque fois que le christianisme devient l'instrument d'un nationalisme, il est comme blessé en son cœur même et rendu stérile.

À contrario, l’Église catholique ne s’associe jamais à une communauté nationale particulière. "Elle accueille en son sein toutes les nations, toutes les races, toutes les cultures. Elle se souvient du projet de Dieu sur l'humanité, rassembler tous les hommes en une même famille," avait rappelé Jean-Paul II en 1994.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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