Les résultats définitifs des élections aux chambres d'agriculture ce week-end confirment le recul historique pour la FNSEA et une forte progression de la Coordination Rurale. Des résultats qui peuvent avoir des conséquences à long terme sur le monde de l'agriculture. Pour bien comprendre le bouleversement du paysage syndical agricole, Amélie Poinceau, journaliste à Mediapart, spécialiste de l'agriculture et autrice du livre « Qui va nous nourrir ? », chez Actes Sud, est au micro de RCF et Radio Notre-Dame.
Les élections des 89 chambres d’agriculture ont marqué la perte d'une vingtaine de départements pour la FNSEA, syndicat majoritaire historique. La Coordination Rurale grappille du terrain à la faveur de la colère des agriculteurs. Ces-derniers ont fait savoir tout au long de 2024 leur mécontentement. La surcharge administrative, la réglementation écologique et la concurrence de l’international ont particulièrement été pointées du doigt. La montée en puissance de la Coordination Rurale pourrait toutefois marquer un tournant pour le monde rural.
C’est un bouleversement dans le monde syndical agricole. La Coordination Rurale a remporté l’élection dans 14 chambres, contre seulement 3 en 2019. Si la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs restent majoritaires, l’émergence de nouveaux syndicats sur le paysage agricole témoigne d’une volonté de changement. Pour Amélie Poinceau, journaliste chez Mediapart et spécialiste de l’agriculture, le bouleversement est dû à une fatigue des agriculteurs. “Il y a de la colère évidemment, et peut-être certainement une lassitude par rapport à ce syndicat. La FNSEA était dans la co-gestion, c’est-à-dire la détermination de la politique agricole à la fois dans les chambres d’agriculture et aussi au niveau national. C’est ce syndicat-là qui a co-géré avec le ministère de l'Agriculture les politiques agricoles jusqu’à présent.” Et les politiques agricoles du gouvernement déplaisent. Déjà en janvier 2024 les syndicats avaient organisé des mouvement de protestations contre la politique de Gabriel Attal. En cause notamment l’administration européenne et sa lourdeur administrative pour les exploitants agricoles. Plus récemment, c’est le traité de libre-échange du Mercosur qui avait fait réagir.
Il y a de la colère évidemment, et peut-être certainement une lassitude des agriculteurs par rapport à la FNSEA.
Selon Amélie Poinceau, le succès de la Coordination Rurale est en partie dû à leur stratégie coup de poing. “La coordination rurale a eu une stratégie très offensive dans les médias depuis plus d'un an. Et cela aussi porte ses fruits. Elle a été présente sur tous les plateaux télé, les émissions de radio. Cela faisait partie de sa stratégie de ne jamais refuser une interview avec un journaliste.”
La Coordination Rurale arrive dans les chambres avec un programme déjà défini. Le maître mot : la simplicité. “La Coordination Rurale apporte des réponses simplistes dans un monde qui est aujourd’hui complexe. Ce discours trouve un écho et il porte ses fruits.” déclare Amélie Poinceau. Le syndicat s’attaque notamment aux questions environnementales, accusées par des agriculteurs de les empêcher de travailler et d’être compétitif face à la concurrence internationale. Cette critique des normes s’incarne par la prise à parti de cibles, parmi lesquelles l’Office Français de la Biodiversité ou Marine Tondelier.
La Coordination Rurale apporte des réponses simplistes dans un monde qui est aujourd’hui complexe.
Toutefois le programme de la Coordination Rurale est lacunaire sur certains points, pour Amélie Poinceau.
"Le discours de la Coordination Rurale ne répond pas à la question des revenus, à la question économique et aussi à la surcharge de travail sur les fermes." Dans un monde agricole en crise, le travail pour les nouvelles chambres d'agriculture vient de commencer.
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