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Habitat et Humanisme, 40 ans au service des plus fragiles

Habitat et Humanisme, 40 ans au service des plus fragiles

Un article rédigé par Johan Fresse - RCF Lyon, le 20 juin 2025 - Modifié le 20 juin 2025

C'est l'histoire d'un mouvement né en 1985 à Lyon, et qui, depuis 40 ans, vient en aide aux plus précaires par la dignité du logement. Pour son 40e anniversaire, l'association Habitat et Humanisme garde son ADN, la lutte contre le mal-logement, mais a aussi beaucoup évolué avec un accompagnement plus global des personnes précaires dans leur parcours de vie, notamment par le prisme du logement. Retour sur quatre décennies d'un mouvement né de la conviction de Bernard Devert, prêtre lyonnais.

« C'était une utopie il y a 40 ans » : le père Bernard Devert relit quatre décennies de son mouvement Habitat et Humanisme - © Guillaume Atger - Habitat et Humanisme« C'était une utopie il y a 40 ans » : le père Bernard Devert relit quatre décennies de son mouvement Habitat et Humanisme - © Guillaume Atger - Habitat et Humanisme

La conviction d'un homme

RCF Lyon : Retour 40 ans en arrière. En 1985, la France connaît une situation sociale et économique fragile et complexe : était-ce un terreau à la création du mouvement ?

Bernard Devert, président-fondateur d'Habitat et Humanisme : Beaucoup d'initiatives sont nées sur le plan social, et ont été un terreau pour l'économie sociale et solidaire.

C'était, au fond, il y a 40 ans, une utopie. Mais je crois que ce moment-là était aussi propice, en fait, à faire naître des utopies.

Et il y a un terreau spirituel qui a vraiment été tout à fait important pour parvenir à faire en sorte que cette idée ne reste pas une idée, mais qu'elle se concrétise.

RCF Lyon : Pouvez-vous revenir sur la création de ce mouvement, dû aussi à la participation de communautés religieuses à sa création ?

BD : Oui, les communautés religieuses ont été très partie prenante. Elles ont d'emblée soutenu l'idée. Il y a eu aussi quelqu'un qu'il ne faut pas oublier, c'est le cardinal Decourtray, qui m'a ordonné prêtre et qui a cru en cette association. Ça me permet de dire en quoi, en fait, Habitat et Humanisme n'est pas un mouvement d'Église. Car le cardinal Decourtray m'avait dit : « Je vois une Église qui, en France, mais aussi en Europe, va connaître une forte déchristianisation. On va avoir besoin de femmes et d'hommes qui jettent des ponts, des passerelles, pour qu'il y ait ces liens entre l'Église et la cité. Je vous demande, en fait, d'être très attentif et de faire en sorte de bien garder cette trajectoire ». Elle a été gardée.

RCF Lyon : Ce sont aussi de vos convictions personnelles qu'est né ce mouvement. À l'époque, vous êtes avant tout un professionnel de l'immobilier. Et puis ensuite, vous avez, en parallèle, suivi un parcours théologique pour devenir prêtre. Votre expérience personnelle vous amène à une rencontre déterminante, avec une femme que vous avez aidé.

BD : Cette rencontre a été absolument décisive. C'était un immeuble extrêmement vétuste dans le 6e arrondissement, il y a un peu plus de 40 ans (on sait que le quartier du 6e arrondissement a beaucoup changé, mais à l'époque, il y avait encore des populations pauvres, ce qui est moins vrai aujourd'hui), c'était une personne à mobilité réduite : cette femme avait passé toute sa vie dans cet immeuble, donc une personne très âgée. Et l'immeuble, il fallait le démolir.

Donc on lui trouve un logement, pas directement sur Lyon, mais dans l'agglomération, en raison précisément de la faiblesse de ses ressources. Cette femme fait une tentative de suicide : j'en suis informé, je vais à l'hôpital, etc. Cette femme me dit une parole décisive : « Vous, avec votre fric, vous pouvez déplacer les gens. La qualité de la vie, ce n'est pas simplement le fait d'être logé. La qualité de la vie, elle est quand même très liée aux relations. Et aujourd'hui, compte tenu de ma situation, moi, vous me coupez du peu de relations qui me restent, et donc pourquoi continuer à vivre ? ». Une telle parole m'a fait bouger, et j'ai alors décidé de vendre ma boîte de promotion. Et cet argent, je l'ai investi au sein de cette association que j'ai appelée Habitat et Humanisme.

1985 – 2025 : un contexte de crise similaire ?

RCF Lyon : Quel regard portez-vous sur cette société, traversée plus ou moins par les mêmes crises que celles de 1985 : une crise du logement, une crise sociale, une crise économique. La situation semble similaire à celle que vous avez connue il y a 40 ans.

BD : Une crise, en fait, on en sort. C'est un peu mon échec aussi. On n'est pas sortis de la crise du logement. Mais la crise du logement, c'est finalement le carrefour de beaucoup de crises. Vous les avez soulignées. Une crise qui est d'abord sociétale, c'est aussi, si j'ose dire, une crise spirituelle. Pourquoi avons-nous tant de mal à pouvoir loger des personnes qui sont en difficulté sociale ? Parce qu'en fait, on ne veut pas les voir arriver.

C'est la fraternité même qui est aujourd'hui blessée, et ça conduit à des morts sociales. On ne peut pas être des croyants, donc être portés par la vie du Ressuscité, et de se dire « Mais cette résurrection, en fait, c'est pour demain ». Non, c'est pour ici et maintenant. « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » [Évangile selon Matthieu, 25, 40].

Et donc, il ne s'agit pas de tenir des discours. Il s'agit précisément d'intervenir de telle sorte que l'« espérance » n'est pas un « espoir ». L'espérance, c'est ici et maintenant. D'une certaine façon aussi, on est désarmés devant cette crise sociale ; elle est tellement massive. De voir aussi qu'il y a 40 ans, il y avait un peu plus d'un million de personnes dites des familles monoparentales : aujourd'hui, elles sont 5 millions. On voit que les ruptures familiales, affectives, se sont multipliées à l'envi. Qu'il y a aussi, d'une certaine façon, beaucoup de désespoir qui habite un certain nombre de jeunes et qui se disent, « mais finalement, quelle société pour demain » ? Et donc, le sujet, il faut qu'on essaye de trouver davantage une sorte d'enthousiasme.

L'heure n'est pas seulement à s'indigner : l'heure, c'est d'agir. Il y a des perspectives.

On a une responsabilité à partir de laquelle nous sommes appelés les uns et les autres à faire naître ces possibles.

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