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Diffusion du foot en France : faut-il repenser le modèle économique ?

Diffusion du foot en France : faut-il repenser le modèle économique ?

Un article rédigé par Anaïs Binghinotto, Emilie Balla - RCF, le 28 février 2025 - Modifié le 28 février 2025
Le dossier de la rédactionFaut il refonder le modèle économique du foot français ?

Le football français est dans la tourmente depuis plusieurs mois. En cause, les droits télévisuels de la Ligue 1, accordés à l’opérateur britannique Dazn, en août 2024. Depuis, de nombreux rebondissements ont eu lieu entre l’opérateur et la Ligue de football professionnel (LFP).

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La crise actuelle entre Dazn et la LFP marque un tournant dans le monde du football français, qui déstabilise son modèle économique. Entre désir et réalité, il existe de nombreux obstacles.

Des espoirs et un manque d’anticipation

La plateforme Dazn, qui a obtenu les droits de diffusion pour huit des neufs matchs de chaque journée de championnat de Ligue 1, propose deux offres plus onéreuses qu’auparavant. La première est à 30 euros par mois avec un engagement d’un an, l’autre sans engagement pour 40 euros par mois. Des prix qui ne passent pas pour les fans de football. Le diffuseur Dazn a proposé à plusieurs reprises des offres promotionnelles, récemment pour les moins de 26 ans.

Des prix qui ne passent pas pour les fans de football. 

Mais cela ne suffit pas puisque le nombre d’abonnés Dazn n’est estimé qu’à 500.000, alors qu’il en avait prévu le double. Michel Savin, rapporteur de la mission d’information du Sénat sur la "financiarisation du football", rappelle "qu’à quelques jours du début du championnat il n’y avait pas de diffuseur". Il affirme donc que "si Dazn n’avait pas été présent ça aurait été l’écran noir. Il n’ y avait pas d’autre solution pour la Ligue et la LFP media. Ce qui est dommage, c’est que ça s’est fait dans la précipitation".

Si Dazn n’avait pas été présent ça aurait été l’écran noir. 

Mais Dazn n’est pas novice dans le milieu du football car il possède notamment les droits télévisuels en Allemagne et en Angleterre. Michel Savin signale que la faute est partagée car DAZN et la LFP n’ont pas anticipé cet échec. "Quand on anticipe des dépenses sans connaître les recettes, on vit au-dessus de ses moyens", reconnaît le sénateur de l’Isère. D’un côté il constate "que la LFP achète des locaux à hauteur de 130 millions sans avoir de visibilité sur les recettes futures, alors qu’ils estimaient les droits télévisuels à plus d'un milliard. Ils sont finalement difficilement arrivés à 500 millions. Dans le même temps, les clubs ont continué à faire signer des contrats à des joueurs avec des montants importants en se basant sur ces recettes qu’ils n’ont pas eues", regrette-t-il.

La LFP media : un autre acteur sur la touche

La LFP a délégué sa gestion commerciale à une filiale, la LFP Media. Il s’agit d’une société qui a considérablement grandi avec l’espoir de voir le nombre d’abonnés Dazn augmenter. Au vu des résultats, elle se retrouve dans l’impasse, car elle a davantage de salariés à rémunérer ainsi que des clubs français à financer. Début février, les clubs n’avaient touché que la moitié de ce qu’il leur était dû de la part la LFP. Jeudi 27 février, par surprise, Dazn a versé les 35 millions d’euros restants à la Ligue.

Il y a eu un accord gagnant-gagnant entre les diffuseurs d’augmenter ces droits pour favoriser le niveau du championnat et permettre à ce que les clubs gagnent plus d’argent. 

Pour l'économiste du sport Pierre Rondeau, le problème de départ s’explique par la fin de "l’âge d’or" des droits télévisuels. En effet, "ces droits prennent une part très importante dans les recettes des clubs puisqu’ils se basent sur un tarif colossal". Il précise que "les clubs se sont rendus compte que les téléspectateurs avaient un intérêt à voir du foot à la télévision et que cela n’altérait pas la billetterie. Il y a eu un accord gagnant-gagnant entre les diffuseurs, en l’occurrence en France avec Canal +, d’augmenter ces droits pour favoriser le niveau du championnat et permettre à ce que les clubs gagnent plus d’argent". Un accord d’un autre temps, rattrapé aujourd’hui par la réalité du championnat.

Carton rouge (ou vert ?) pour le streaming illégal

Dans le conflit entre Dazn et la LFP, le streaming illégal en sort gagnant. Depuis la reprise du championnat en août, les recherches sur Google concernant les IPTV, ces boîtiers souvent illégaux qui détournent les flux télé sur internet, ont augmenté de 150 %. En cause, le prix attractif des IPTV par rapport aux abonnements classiques, notamment Dazn. Pierre Rondeau, observe "qu’une Ligue 1 à 500.000 euros par an n’est pas rentable. Dazn a posé 400 millions d’euros sur la table et n’a pas été capable d’attirer plus de 500.000 abonnés. Le consommateur français moyen connaît l’existence de l’IPTV et sait qu’il existe des moyens alternatifs plus abordables pour maintenir son intérêt pour le foot français."

Une Ligue 1 à 500.000 euros par an n’est pas rentable. 

Dans cette affaire, la plateforme Dazn n’est pas restée silencieuse, Pierre Rondeau récapitule les points de désaccord avec la LFP :

  • Ne pas avoir agi suffisamment contre le piratage. En effet, la ligue estime qu’un téléspectateur sur deux ne paierait pas un abonnement et regarderait le foot français de façon illicite”.
  • Ne pas avoir assez ouvert les coulisses des vestiaires aux caméras de la plateforme pour produire des documentaires, des reportages et des interviews pour donner envie au public de s’abonner à la plateforme avec du contenu premium et exclusif.
  • Lui avoir menti sur la capacité réelle d'attirer suffisamment d’abonnés. Elle  aurait certifié à Dazn que la Ligue un pourrait attirer jusqu'à trois millions d’abonnés, or Dazn n’a que 500.000 abonnés.”


Les clubs de football, les premiers touchés

Au vu des problèmes financiers importants engendrés par l’arrivée de l’opérateur Dazn, les premiers concernés sont évidemment les clubs de football. Les clubs de Ligue 1, qui ont une assise financière importante, ne sont pas les plus touchés. En revanche, l'impact se fait ressentir pour les clubs de bas de tableau et les clubs de Ligue 2, qui menacent de licencier du personnel, à l’image du club d’Angers qui a eu des difficultés à payer les salaires de ses salariés. Les répercussions vont même au-delà puisque le manque d’argent touche aussi les centres de formation.

Il faut redonner la possibilité aux diffuseurs d’avoir la totalité des matchs, ce qui permettrait d’avoir un seul diffuseur avec un seul contrat pour les abonnés. 

Le Sénateur Michel Savin soutient "qu’il faut réinventer un système sur la gouvernance, un meilleur contrôle aussi bien financier que sur les décisions prises au sein de la Ligue et de LFP média. Des points de vigilance seront aussi apportés par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), qui est l'organe de contrôle des clubs, par rapport à leur répartition des ressources. Et évidemment, les droits télévisuels seront scrutés". Michel Savin et Laurent Lafon, au travers de leur rapport intitulé "Football-business : stop ou encore ?", proposent de "redonner la possibilité aux diffuseurs d’avoir la totalité des matchs ce qui permettrait d’avoir un seul diffuseur avec un seul contrat pour les abonnés."

Dazn et la LFP sont engagés par un contrat signé jusqu’en décembre 2025, la suite de leur partenariat ne peut donc pas s’arrêter de façon instantanée, affaire à suivre. 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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