Crise migratoire : une urgence humanitaire aux frontières

La permanence téléphonique d’Utopia 56, accessible 24h/24, reçoit des signalements de personnes isolées, bloquées dans des camions ou en mer. L’association relaye ces alertes aux secours compétents, notamment au Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS).
En 2023, Utopia 56 a recensé :
   • 428 appels de détresse en mer (contre 182 en 2022), impliquant 15 000 personnes.
   • 797 appels sur terre, concernant 16 000 exilés.
   • 150 tentatives de passage par camion, ayant exposé 476 personnes à de graves dangers.

Répression et tensions croissantes
Si Utopia 56 collabore avec les secours, elle fait aussi face à une surveillance accrue des forces de l’ordre. Depuis janvier 2024, ses bénévoles ont subi 130 contrôles d’identité, parfois uniquement en raison du logo de l’association sur leurs véhicules. Deux cas de violences policières ont été signalés : l’un en mars, où un bénévole a été contrôlé sous la menace d’une arme, l’autre en août, impliquant des violences physiques. Une plainte a été déposée par l’association en mars 2025.

Une mer de plus en plus meurtrière
Angèle Vettorello, coordinatrice à Calais, alerte sur l’augmentation des départs maritimes. En avril 2024, après la saisie de deux embarcations, 112 exilés ont dû s’entasser sur un seul bateau. Cinq ont péri, dont une fillette. Poussés toujours plus au sud par la répression, les migrants prennent des routes plus longues et périlleuses, retardant les secours.
Le manque de coordination entre les forces de l’ordre aggrave la situation. L’absence de traducteurs complique aussi la prise en charge des rescapés, forçant Utopia 56 à jouer les médiateurs.

Agir plutôt que réprimer
Face à l’urgence humanitaire, Yann Manzi, cofondateur de l’association, réclame des solutions concrètes : ouverture de lieux d’accueil sur le littoral et création d’un dispositif de sauvetage maritime, à l’image de celui en Méditerranée. Utopia 56 prévoit également de signaler systématiquement au procureur tout cas de violence ou de non-assistance des forces de l'ordre. Mais l’association se heurte à un mur politique. « Nous n’allons plus aux réunions préfectorales, qui ne sont que des simulacres de dialogue », regrette Yvan Manzi. Pour Utopia 56, l’objectif reste clair : sauver des vies, pas les voir se perdre.

Migraction59
Dans la région, d’autres citoyens s'engagent à aider ces exilés. Migraction 59, un collectif régional, permet d'offrir quelques jours de repos aux exilés en partance pour le Royaume-Uni. Le temps d’un week-end, des volontaires partent chercher les jeunes le samedi matin à Calais, puis les dispatchent dans des familles nordistes, qui leur offrent le gîte, le couvert et surtout du réconfort. Une manière de reprendre des forces avant le retour le lundi  sur le chemin de l’exil.

=> Retrouvez le reportage « Accueillir des exilés de Calais le temps d’un week-end, avec Migraction 59 »